Alors que le gouvernement Fakhfakh aura du mal à boucler le budget de l’Etat pour l’exercice 2020, un marathon budgétaire semé d’embûches sur fond de crise sanitaire hors norme frappant de plein fouet l’ordre économique et social du pays, l’exercice 2021 sera un exercice encore plus difficile. Le gouvernement annonce déjà la couleur et décrète l’austérité budgétaire pour faire face aux dépenses additionnelles liées au Covid 19.
Pas d’augmentation salariale dans le secteur public, gel des recrutements et des mesures draconiennes en matière de promotion et de prime de rendement. Bref aucune mesure ayant un impact financier ne pourra être prise sans consultation avec les services de la présidence du gouvernement et du ministère des finances. C’est ce qui ressort d’une circulaire publié il y a une semaine par le Chef du gouvernement. Une austérité budgétaire qui fait mouche et des mesures qui viennent jeter un pavé dans la mare suscitant la grogne des fonctionnaires et de l’opinion publique.
Outre le choc économique lié au Covid et ses lendemains incertains, la Tunisie pâtit déjà de la fragilité de ses finances publiques. Selon le dernier rapport de Fitch Rating, la Tunisie est confrontée à des échéances Eurobonds de 2 milliards de dollars, représentant 5,3% du PIB 2020. Le gouvernement s’endettera davantage pour faire face à la crise sanitaire.
Un nouvel accord de financement est prévu dans les prochains mois avec le FMI. Le gouvernement a déjà obtenu des prêts officiels d’environ 6,4% du PIB couvrant 56% des besoins de financement budgétaire brut en 2020 dont un prêt d’urgence de 745 millions USD au titre de l’instrument de financement rapide du FMI en avril.
Des prêts supplémentaires d’environ 3% du PIB pourraient être convenus dans les prochains mois. Seulement : « la performance mitigée de la Tunisie dans le cadre des deux accords précédents avec le FMI augmente le risque d’affaiblir le soutien public aux créanciers.
La Tunisie n’a reçu que 1,6 milliard USD sur une allocation totale de 2,9 milliards USD dans le cadre de son accord 2016-2020 désormais annulé avec le Fonds, illustrant la difficulté à atteindre les jalons convenus malgré les dérogations récurrentes aux critères de performance, principalement en raison de l’opposition sociale et les tensions politiques.
Des retards dans les décaissements officiels de prêts, des dérapages budgétaires ou des chocs exogènes pourraient peser lourdement sur la liquidité extérieure », soulignait l’agence de notation dans son dernier rapport.
Vers la réduction de 150 millions de dinars de la masse salariale
Pour faire les yeux doux aux responsables du FMI, le gouvernement s’est engagé à réduire d’environ 150 millions de dinars (soit 0,1 % du PIB) la masse salariale de la fonction publique pour 2020 et ce en limitant les embauches, les promotions et les heures supplémentaires dans les domaines qui ne sont pas concernés par la riposte à la crise.
Par ailleurs, faut-il rappeler que le gouvernement tunisien s’est engagé à prendre des mesures nécessaires pour réduire les subventions énergétiques et la masse salariale outre la réforme des grandes entreprises publiques.
Choses promises, choses dues, le gouvernement s’incline paraît-il aux diktats et annonce une série de mesures drastiques touchant les fonctionnaires. Pour l’exercice 2021, la prime de rendement sera plafonnée en moyenne à 80%.
Hormis le gel de l’embauche à l’exception des secteurs prioritaires, les promotions de l’année 2020 ne seront activées qu’en 2021, et celles de 2021 seront reportées à l’année 2022.
La circulaire prévoit le contingentement de la prime des heures supplémentaires à 50% de celui du budget 2020, dans les différents départements, à l’exception de ceux de la défense, de l’intérieur, de la santé et de la présidence de la République.
Les fonctionnaires qui travaillent des heures supplémentaires bénéficieront en outre d’un congé de compensation.
Les établissements publics et les départements de l’Etat sont invités également à serrer leurs ceintures et à rationaliser leurs dépenses au cours des trois prochaines années.
En somme, les mesures annoncées par le Chef du gouvernement ont suscité la rage de l’opinion publique et ces certains partis politiques qui mettent en garde contre les risques d’une explosion sociale qui plane à l’horizon.
Yosr GUERFEL AKKARI