L’expert comptable, monsieur Walid BEN SALAH déclare que l’inflation réelle dans le pays se situe au-dessus de 10, voire de 11% du PIB
Alors que les statistiques officielles font état d’un taux d’inflation de 4,6%, en Février et de 4,2% pour l’ensemble de l’année 2016 (INS) , l’inflation réelle, d’après l’expert comptable se situerait au-dessus de 10, voire de 11% du PIB, en Tunisie, vu la dégradation de la situation économique.
En effet, le panier de produits adopté par l’Institut National de la Statistique pour le calcul de l’inflation ne traduit pas fidèlement la consommation à l’échelle nationale, a estimé monsieur Ben Salah, précisant que pas mal de produits ne sont pas représentés dans ce panier, bien qu’ils constituent une partie essentielle de la consommation de la population, notamment les dépenses pour l’éducation, l’enseignement privé, la santé et les loisirs…
Il a ajouté dans ce sujet que le développement d’un nouveau comportement dans notre société, celui de la consommation arbitraire. En fait, nous avons remarqué, dernièrement, la hausse des montants réservés à l’importation des produits de consommation, dont les parfums et surtout le prêt-à-porter, ce qui pourrait porter atteinte à l’industrie du textile tunisien.
Dégradation du dinar de 11% par rapport au dollar
Par ailleurs, la situation actuelle, marquée par la hausse des importations, la baisse des exportations avec une forte dépréciation du dinar tunisien, allant jusqu’à -11% par rapport au dollar, serait, sans doute, en mesure d’aggraver davantage le taux l’inflation. En outre, l’expert a estimé que l’important recours des Tunisiens aux produits du commerce inorganisé, vu leurs prix abordables, ne cesse de fausser les calculs de l’inflation, étant donné que ces produits ne représentent pas de recettes pour l’Etat. Il y a en plus, les augmentations salariales, notamment dans le secteur public, qui se répercutent directement sur la hausse continue des prix, d’où un nouveau facteur qui contribue fortement à la progression du taux d’inflation, auquel s’ajoute un autre facteur d’inflation, à savoir la stagnation des ventes dans le secteur industriel, face à une hausse des charges salariales et des coûts de production, ce qui pousse les industriels à augmenter les prix proposés à la vente…
Dégradation du taux d’épargne national de 22% en 2010 à 11% en 2016
Cette inflation a des répercussions directes sur le pouvoir d’achat du citoyen, et également sur le taux d’épargne national qui est passé de 22% en 2010, à 11% en 2016. Cette dégradation se répercute directement sur les ressources propres de l’Etat, nécessaires pour le financement de l’investissement, d’où le recours du gouvernement à l’endettement dont le taux a dégringolé de 43% en 2010, à 63% en 2016, a-t-il rappelé. Cette inflation affecte, également, la compétitivité des entreprises tunisiennes que ce soit à l’échelle nationale ou internationale, et ce, en raison de la hausse du coût de la production due à la hausse des prix des matières premières et de la main-d’œuvre.
Les consommateurs tunisiens déplorent la hausse excessive des prix et notamment celle des loyers
C’est dans le marché de la ville de Manouba, que Mme Naziha, femme au foyer, le couffin à la main, fait ses emplettes, elle fait le tour des différents marchands de légumes et de fruits. Cette sexagénaire se plaint de la hausse excessive des prix, surtout ces dernières années. Tous les produits notamment ceux de première nécessité, dont les légumes et les fruits, sont proposés, aujourd’hui, à des prix exorbitants. Le Tunisien qui touche un faible revenu n’arrive plus à assurer les besoins essentiels de sa famille. Elle a déclaré également que pour son cas, la pension de retraite de son mari est, généralement, dépensée, dans sa totalité, durant les trois premières semaines du mois. Le reste du temps, ils sont obligés de prélever sur l’épargne réservée aux dépenses inattendues comme la maladie ou autre. Elle consacre en fait, ces jours-ci un budget mensuel de 600 dinars rien que pour les dépenses alimentaires. Auparavant, elle réservait seulement 400 dinars qui étaient largement suffisants.
Une autre consommatrice partage le même point de vue : Madame Mouna, cadre dans une société et mère de trois enfants, a affirmé en effet que son couffin quotidien coûte environ 20 dinars. Ceci, sans prendre en considération les dépenses du petit déjeuner et surtout le goûter des enfants, qui coûte énormément surtout avec la diversification des produits émanant principalement de la Turquie. Mouna a divulgué qu’elle essaye de minimiser les dépenses de la famille, et ce, en privilégiant ceux de l’alimentation, de l’enseignement et de la santé sur ceux de l’habillement, en recourant davantage aux vêtements d’occasion. Bien que ses deux enfants soient inscrits dans une école étatique, elle payait chaque mois environ 200 dinars, rien que pour les cours particuliers, outre les frais de garderie qui atteignent 100 dinars pour chacun, a poursuivi la jeune cadre.
Lilia, cadre également, quant à elle, a choisi d’inscrire son fils dans une école privée, moyennant une mensualité de 380 dinars. Elle a rappelé qu’auparavant les écoles privées offraient leurs prestations de scolarité y compris les frais du panier et de la garderie pour des prix beaucoup moins chers, ne dépassant pas les 200 dinars par mois. Quoiqu’elle soit bien rémunérée, en comparaison à d’autres personnes, et qu’elle partage les charges financières avec son mari, elle se retrouve chaque mois, avec un compte bancaire dans le rouge, a-t-elle précisé, remarquant que la plus grande part des charges de la famille réside dans le loyer qui s’élève à 600 dinars.
En ce qui concerne Nadia. Elle a pointé du doigt le renchérissement des prix de tous les types de produits. Cependant, elle a estimé que c’était au consommateur de rationaliser ses achats, pour ne pas se retrouver endetté. Elle avait boycotté quant à elle, depuis des mois, le piment à titre d’exemple, parce qu’il est vendu à des prix inacceptables dépassant, parfois, les 4 dinars. Et ces jours-ci, elle boycotte la viande dont le prix a dépassé les 22 dinars, a-t-elle expliqué. Elle essaye de présenter à sa famille tous les apports nutritifs dont elle a besoin, sans beaucoup nuire à son budget, et pour le faire il est impératif de privilégier des aliments ou des produits sur d’autres, et ce, en prenant en considération leurs prix. Elle préconise que rien n’est indispensable.
Face à cette spirale inflationniste, l’Organisation de défense du consommateur (ODC) a exprimé vendredi, sa préoccupation face la hausse exorbitante des prix des produits de consommation (produits alimentaires, détergents, services…), appelant les autorités concernées à intervenir, en urgence, et à prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à ce phénomène, surtout avec l’approche du mois de Ramadan, qui commence fin Mai. L’Organisation a estimé que l’accroissement des prix de produits de base est du, en réalité, à la prolifération des circuits de distribution informels et à la régression des opérations de contrôle.
EC