Les entreprises publiques continuent de peser lourdement sur la caisse de l’Etat. Les indicateurs publiés récemment par le ministère des Finances sur les dettes des entreprises publiques viennent confirmer un état des lieux actuel des choses morose. Le Covid-19, n’a pas manqué approfondir les difficultés des finances publiques, qui se sont gravement détériorées. Les entreprises publiques représentent également une partie considérable de la problématique. Un constat alarmant qui nécessite de lancer sans plus tarder un système de contrôle financier vigilant et de mettre en place une bonne gouvernance économique.
Dans le même contexte du cercle vicieux qui perdure depuis 2011, notamment le cas d’une des entreprises publiques dont la gestion, production et pertes soulèvent les polémiques les plus virulentes: celle de la Régie nationale des Tabac et des Allumettes (RNTA). A cet effet, le ministère des Domaines de l’Etat vient de rendre public le 06 juin un résumé du rapport d’audit de la RNTA. Le rapport a souligné que les pertes de l’entreprise se sont élevées à 136 millions de dinars durant la période 2010/2014. Le rapport fait ressortir des défaillances en cascade.
Des pertes à la trésorerie de l’Etat de 131 MD à fin 2014
Selon la même source, l’Etat fut contraint d’accorder des avances à la Régie afin d’assurer ses équilibres financiers, procédure qui a entraîné des pertes à la trésorerie de l’Etat de l’ordre de 131 MD à fin 2014. Le document a relevé aussi plusieurs défaillances au niveau de la gestion de la Régie, laquelle détient le monopole exclusif en matière de production et de distribution de cigarettes en Tunisie.
Recrutement suspecté
Parmi ces défaillances, le document suspecte le manque de transparence au niveau de recrutement de 400 agents durant les deux années 2013 et 2014. De même, ont profité illégalement, d’un quota mensuel de paquets de cigarettes, d’une valeur globale de 22 MD, durant la période 2013-2015, des cadres de la Régie en exercice et retraités, ainsi que des membres du conseil d’administration, des directeurs généraux, des contrôleurs de l’Etat et d’autres cadres et employés de la fonction publique.
Par ailleurs, le rapport relève un grand retard dans la mise en œuvre des programmes d’investissement relatifs à l’acquisition des équipements, au cours des années 2012-2014, ce qui a engendré à la Régie un coût supplémentaire d’environ 2,2 MD.
Le rapport a également, révélé une mauvaise gestion de la production, soulignant qu’à l’exception des deux produits « 20 Mars légère » et « 20 Mars Silver » qui assurent à la société, une faible marge bénéficiaire, les autres produits ont été à l’origine de pertes annuelles dépassant les 31 MD entre 2013 et 2014.
Le document a épinglé la multiplication des cas de détournement des produits de la société, dont certains n’ont même pas été dévoilés.
Des pertes colossales de 33 MD de dinars durant 2013 et 2014
« La RNTA a accusé des pertes colossales dépassant les 33 millions de dinars durant 2013 et 2014, en raison de l’importation et de la distribution des cigarettes étrangères dont les prix de vente sur le marché local n’ont pas été révisés », relève le rapport.
En outre, la même source a évoqué l’ampleur du marché parallèle ayant accaparé 50% du marché de vente des cigarettes, générant un manque à gagner à l’Etat de l’ordre de 500 MD, annuellement, outre les pertes supportées par les entreprises du secteur dont la Régie Nationale des Tabac et des Allumettes.
Un déficit net de -57 millions de dinars en 2019
D’autre part, le rapport portant sur les entreprises publiques a confirmé que la situation de la Régie est délicate. Le déficit net de la société passe de -63,3 millions de dinars en 2016 à -49,6 millions au terme de l’année 2017 et -57 millions de dinars en 2019. Il est à souligner également que l’augmentation des tarifs de tabac comme facteur principal de cette légère résorption de déficit. Le cumul des pertes a ainsi été porté à 250,5 millions de dinars en 2017, contre -186,3 millions un an plutôt. Pour ce qui est de l’investissement, la société a dépensé 44,8 millions de dinars entre 2016 et 2018, pour l’acquisition d’équipements spécifiques.
Concernant l’endettement, il a légèrement diminué de -7% entre 2016 et 2017 pour se situer à 277,7 millions de dinars. Les difficultés au niveau des liquidités persistent encore. Le document attribue le problème à la marge déficitaire pratiquée sur les prix des cigarettes étrangères, soit les cigarettes les plus vendues.
Selon les estimations pour l’année 2018, les dettes globales de la RNTA devront croître de 14,5 millions de dinars suite aux crédits bancaires contractés pour financer des investissements engagés par la Régie.Quant à l’effectif de la RNTA, il a été de l’ordre de 1447 en 2017.
Il est à préciser qu’à l’instar de leur consœur, les autres entreprises publiques connaissent le même sort financier accablant qui nécessite des restructurations financières et des plans de relance bien étudiés au cas par cas. Doit-on s’attendre à d’autres rapports et de nouveaux scandales dans les jours qui viennent ?