Mehmet Zeki Güvercin, président du comité diplomatique de la MUSIAD, Tarek Cherif, président de la CONECT, et Ali Onaner, Ambassadeur de Turquie auprès de la république tunisienne, ont animé, mercredi 17 juin, un webinaire au cours duquel les trois panélistes ont échangé des points de vue sur les relations diplomatiques et commerciales entre les deux pays.
Présentée par Zeki Güvercin comme étant une « organisation patronale turque très impliquée dans les relations internationales, qui a 87 bureaux en Turquie et plus de 200 représentations dans le monde », la MUSIAD a organisé ce webinaire aux fins de prospecter les mesures à prendre dans les deux pays, tant au niveau public que dans le secteur privé, qui seraient à même de développer les relations commerciales, estimées à plus d’un Milliard de Dollars par an durant les années passées.
Et Zeki Güvercin d’assurer que ces relations ne peuvent se développer « qu’à travers le partenariat stratégique entre les organisations patronales, parce que c’est le monde des affaires qui en tous temps, que ce soit en temps de crise ou en temps de paix, amène la croissance, amène le développement des relations commerciales, et permet de dépasser bon nombre de situations de crises et de difficultés ».
Intervenant à ce sujet, l’Ambassadeur Ali Onaner a insisté sur la « richesse de l’Histoire des relations tuniso-turques », soulignant que le cadre législatif dans les deux pays encourage les investissements, citant à cet égard l’accord de libre-échange entre la Turquie et la Tunisie.
L‘ambassadeur Onaner n’a pas manqué à cette occasion de rappeler que la question du déséquilibre de la balance commerciale entre les deux pays demeurait un point d’achoppement, profitant de cette occasion pour passer en revue les nombreuses opportunités qu’offrent les deux marchés pour des échanges gagnant-gagnant susceptibles de rééquilibrer la balance de façon positive et constructive.
Tarek Cherif, président de la CONECT a abondé dans ce sens. Se remémorant ses débuts en tant qu’entrepreneur, il a souligné avoir commencé son « parcours commercial dans les années 80 avec des partenaires turcs », ajoutant que « la Turquie représente un modèle de réussite, avec un peuple qui cherche à créer de la richesse et de l’emploi ».
Le président de la CONECT a estimé que « beaucoup de choses restent à faire entre nos deux pays (…) car nous avons une responsabilité, à savoir celle de créer les conditions pour que nos entrepreneurs soient encouragés à se connaitre et opérer ensemble », appelant les gouvernements des deux pays à continuer de créer les environnements propices à ces échanges.
Les trois panélistes ont évoqué les principales sphères d’activité qui pourraient développer les échanges entre les deux pays. L’occasion pour Tarek Cherif de rappeler que l’action de la CONECT est en grande partie axée sur le développement des régions, évoquant dans ce contexte l’exemple de l’expérience turque dans le domaine de la transformation des matières premières.
Le président de la CONECT a souligné que l’industrie de transformation des matières premières en Turquie pourrait représenter une source d’inspiration pour les entrepreneurs tunisiens, qui peuvent être encouragés, via des partenariats avec des entreprises turques spécialisées dans ce domaine, à prospecter les opportunités qu’offrent les produits agricoles tunisiens, notamment les dattes et l’huile d’olive, en termes de développement du secteur de transformation des matières premières en Tunisie.
« Il y a beaucoup de choses à faire pour transformer nos produits, qui seraient destinés à la consommation locale, mais également à l’export », a-t-il souligné.
Et d’ajouter que l’encouragement des entrepreneurs tunisiens à investir dans les régions aux fins d’installer une industrie de transformation des matières premières agricoles, en partenariat avec des entreprises turques qui apporteraient leur expérience et leur savoir-faire en la matière, sortirait les agriculteurs du dilemme de la surproduction saisonnière, qui implique une fluctuation des prix intenable pour eux et pour les investisseurs potentiels dans le secteur.
L’Ambassadeur Onaner a renchéri, en insistant sur le sujet de l’équilibre de la balance commerciale. Il a ainsi soutenu que l’approche à l’égard de cette question, appelant à diminuer le volume des exportations turques vers la région est une approche négative, préconisant une approche plus positive, consistant à trouver les moyens d’encourager les exportations de produits tunisiens vers la Turquie.
L’une des solutions évoquées par l’ambassadeur turc serait d’encourager des entrepreneurs turcs à « investir et à s’investir en Tunisie », de façon à produire localement les articles qu’ils exportent actuellement vers le marché tunisien, dans le cadre de projets gagnant-gagnant qui, non seulement créeraient de l’emploi et de la richesse en Tunisie et développeraient ses exportations, mais qui permettraient également à ces entreprises d’accéder à d’autres marchés de la région du Maghreb et de l’Afrique sub-saharienne.
Ali Onaner a entre autres cité l’exemple de la production d’huile d’olive, suggérant la possibilité de créer une marque d’huile tuniso-turque, qui serait capable de concurrencer les autres marques mondiales, dans des marchés porteurs tel que ceux des pays d’extrême orient.
La Covid-19 s’est également invitée dans le débat, l’occasion pour les panélistes d’identifier des opportunités d’échanges entre les deux pays, notamment concernant le tourisme médical.
Evoquant le bond qualitatif enregistré par la Turquie dans le domaine de la santé, qui a permis au pays de faire face par ses moyens propres à la pandémie, les intervenants ont évoqué les opportunités de partenariats potentiels dans ce secteur entre les deux pays.
Tarek Cherif a évoqué à cet égard la position intéressante de la Tunisie dans la région du Maghreb, soulignant que la Tunisie accueille un nombre important de libyens et d’algériens, ainsi que des ressortissants de pays d’Afrique sub-saharienne qui visitent le pays à des fins de tourisme médical.
L’infrastructure privée dans le secteur de la santé s’est considérablement développée en Tunisie durant les 20 dernières années, a-t-il souligné, avec des cliniques privées offrant des services d’excellente qualité et à moindre coût qui répondent aux demandes de patients maghrébins, mais également européens.
Le président de la CONECT a ainsi identifié un domaine où l’expérience turque pourrait être profitable à ce secteur en Tunisie, à savoir la création d’hôpitaux privés, à l’instar de ceux existants en Turquie, et « qui pourraient être d’un appoint certain pour les familles tunisiennes et pour les visiteurs ».
Concernant le tourisme récréatif, les intervenants ont évoqué la possibilité de créer des packages à proposer aux touristes étrangers, sous forme de séjours doubles en Tunisie et en Turquie, destinés notamment à la clientèle chinoise, ce qui serait une opportunité à saisir pour les opérateurs touristiques des deux pays.
C’est dans ce contexte que l’ambassadeur Onaner a rappelé que le tourisme russe a beaucoup augmenté en Tunisie, notamment en 2016, les tour-operators turcs proposant aux touristes russes demandeurs d’un produit touristique comparable à celui de la Turquie, d’opter pour la destination Tunisie, ce qui a amené à une certaine fidélisation de cette clientèle dans le pays.
L’ambassadeur turc a rappelé à cet égard que les frontières tunisiennes seraient rouvertes, pour certains pays, à partir du 27 juin, et qu’il espérait que la Turquie fera partie de ce premier groupe de pays, soulignant être intervenu auprès de la direction de Turkish Airlines pour que la reprise des vols de la compagnie aérienne turque vers la Tunisie soit fixée au 27 juin, et non pour le premier Août tel qu’initialement prévu par Turkish Airlines.
Le modérateur du webinaire, Mehmet Zeki Güvercin, a choisi d’orienter la fin du débat vers le sujet des échanges entre institutions et établissements universitaires des deux pays, « qui relèvent de l’économique, mais aussi du culturel et du diplomatique ».
Le président du comité diplomatique de la MUSIAD a indiqué que son organisation portait un intérêt particulier à l’échange d’étudiants entre la Tunisie et la Turquie, « parce que c’est à travers cet échange que l’on va pouvoir développer la connaissance des deux pays (et l’apprentissage) des langues également, afin que ces étudiants destinés à devenir des chefs d’entreprises, deviennent également des ambassadeurs des deux pays dans leurs pays respectifs».
L’Ambassadeur de Turquie a à cet égard souligné que, « dans la mesure de nos moyens, nous essayons d’octroyer le plus grand nombre de bourses pour encourager des étudiants tunisiens à aller continuer une partie de leurs études en Turquie ».
Et d’ajouter que des foires et des expositions de présentation d’universités privées turques sont organisées chaque année en Tunisie, et suscitent un intérêt certain auprès des élèves et des étudiants tunisiens désireux de poursuivre leurs cursus universitaire en Turquie.
Ali Onaner a également souligné que les efforts de la Turquie n’étaient pas à sens unique, indiquant que le ministère turc de l’éducation « fait aussi l’effort de donner des bourses à des chercheurs et des universitaires turcs pour qu’ils viennent faire leurs doctorats en Tunisie (…) et nous avons actuellement des universitaires boursiers de la Turquie en Tunisie, qui ont vocation à être les futurs chercheurs » sur des questions internationales et notamment africaines.
L’ambassadeur a profité de cette occasion pour inciter des groupes privés des deux pays à octroyer des bourses privées à des étudiants destinés à devenir les futurs cadres de ces entreprises, pour qu’ils poursuivent leurs études universitaires en Tunisie et en Turquie.
Au terme de ce webinaire, qui a duré une heure et demi, et qui peut être consulté sur la chaîne YouTube de la MUSIAD, Mehmet Zeki Güvercin et Tarek Cherif ont signé, au nom de leurs deux organisations respectives, un mémorandum d’accord officialisant leur partenariat