Jied Aouij, plus jeune marchand d’armes de l’histoire de la Tunisie et conseiller en sécurité défense que nous évoquions déjà dans un article précédent, revient cette fois sur son parcours atypique.
Ce businessman accompli nous parle également de sa passion pour les armes à feu et comment cela l’a amené à en faire son métier et ce, malgré des débuts difficiles. Interview.
Racontez-nous brièvement votre parcours. Comment en êtes-vous arrivé là ?
J’avais dans les 19-20 ans quand j’ai pris pour la première fois une arme entre mes mains. J’ai définitivement voulu faire quelque chose dans ce domaine, mais c’était presque impossible parce que le rêve était trop grand et je ne voyais aucune chance parce qu’il s’agissait d’un monde fermé qui avait ses propres codes et difficile à approcher.
Quand j’ai terminé mes études avec mon bac en poche, j’ai voulu faire l’académie militaire.
Seulement voilà, pour plusieurs raisons, j’ai fait des études en pharmacie. En revanche, le rêve était toujours en moi et je n’arrêtais pas d’y penser.
Mon diplôme en main, j’en avais définitivement fini avec les études et j’ai commencé à travailler.
A partir de ce moment, je me suis dit que j’aurai peut-être un peu plus de chance car tout ce dont j’avais envie, c’était d’être dans le monde de l’armement.
J’appelai ça les jouets. La preuve : mon père avait trouvé une photo de moi à l’âge de 5 ans avec une mitraillette en plastique.
En 2006 en Tunisie, Ben Ali régnait encore et c’était difficile de faire quelque chose dans ce domaine très gardé. Pour compenser la frustration, j’essayais d’aller en voyage pour faire des stages et pratiquer tirer avec des armes de poing dans des stands classiques. Mais je retournais à chaque fois en Tunisie avec plus de frustration.
Et puis vint la révolution, Ben Ali s’est enfui et une fenêtre s’est ouverte pour moi !
Cela a fait clic dans ma tête. J’ai mis les bouchées double pour y arriver.
Je savais que j’allais y arriver mais je ne réalisais pas combien l’impact serait grand. Personne ne m’a dit quoi faire, ni indiqué le protocole à suivre.
J’ai dû faire beaucoup de sacrifices pour en arriver où je suis. Je suis parti du plus bas de l’échelle et j’ai forcé mon destin en travaillant avec acharnement. Par la force des choses, j’ai fini par me créer des opportunités. Il faut être un visionnaire si on veut réussir dans les affaires. C’est pourquoi j’ai créé ma propre entreprise FEMCO ltd à partir de rien.
Décrivez-nous le rôle des intermédiaires en armement ou plus communément appelées marchand d’armes ?
Le métier d’intermédiaire en armement fait partie du domaine de la défense. Il représente un complexe ou une industrie militaire.
Son rôle est de promouvoir l’industrie militaire qu’il présente à des professionnels de la défense afin de répondre davantage à leurs besoins.
Parfait représentant de l’industrie militaire, ce métier fait le lien avec les différents corps armés (ministère de l’intérieur et de la défense). Il est donc au fait de l’actualité dans son domaine et des attentes des corps armés pour faire évoluer les moyens de défense par les produits qu’il propose.
« Les armes servent à dissuader des adversaires potentiels ou à conduire des guerres ».
Qu’elles sont les qualités et les compétences requises ?
Au-delà de l’argumentaire au sujet du produit proposé, l’intermédiaire en armement demande une parfaite connaissance de chacune des armes ou des solutions présentées.
Il doit donc être en mesure de renseigner sur les capacités de l’arme et les résultats obtenus au cours des tests ou sur le RETEX (REtour d’EXpérience sur le terrain).
Comment fonctionne le marché de l’armement ?
Le marché international de l’armement ne fonctionne pas sur le système économique classique de l’offre et de la demande. Les transactions ne se font pas comme au marché du dimanche, où les acheteurs peuvent se balader entre les différents stands pour comparer les prix et la qualité.
Les pays font des appels d’offre pour mettre en concurrence plusieurs entreprises, (ce n’est pas toujours le cas parfois il y a des marchés directs ou de gré à gré). Les industriels doivent faire appel à des ambassadeurs de la marque ou des « commerciaux » assez spéciaux.
Personnellement j’utiliserai plus le terme de Business Développement. Leurs rôles est de faire du lobbying et de promouvoir des marques.
Les exportateurs doivent donc suivre attentivement les besoins et le potentiel des acheteurs. Si une industrie militaire sait avant ses concurrents qu’un pays a besoin de bateaux de guerre par exemple, alors elle pourra prendre une longueur d’avance dans les négociations.
Parlez-nous de la face obscure de l’armement
Pour les pays moins transparents, il faut des hommes proches du pouvoir en place, d’où l’importance du networking pour connaître les besoins et même essayer de les susciter : ce sont les fameux intermédiaires qui ont toujours suscité les fantasmes les plus fous et qui font entrevoir l’une des faces obscures de ce métier.
Néanmoins, il faut savoir que le recours à des intermédiaires est toujours autorisé, mais ceux-ci doivent être validés par l’Etat et leur rémunération est plus contrôlée qu’auparavant. Dans la rédaction des contrats qui les lient aux intermédiaires, les industriels font désormais en sorte d’être totalement dédouanés en cas d’agissement illégal de la part de ces derniers.