2018 s’annonce comme une année de forte croissance dans le monde, avec peu de pays laissés pour compte
2018 s’annonce comme une année de forte croissance dans le monde, avec peu de pays laissés pour compte. Aux Etats-Unis, en zone euro, les indices de la conjoncture sont proches des pics historiques atteints au milieu des années 2000. Jusqu’alors plutôt discrètes, les tensions sur les capacités de production sont ressenties avec plus d’acuité par les chefs d’entreprise. Quant à l’ascension du prix des actifs, financiers ou immobiliers, elle se poursuit, jusqu’à faire craindre l’émergence de bulles. Pour les politiques monétaires, le temps de la normalisation est venu. Les banques centrales se désengagent prudemment du marché de la dette publique, ce qui devrait avoir pour conséquence une remontée des taux d’intérêt. Dès 2019, l’activité pourrait commencer à freiner.
Au moment d’aborder 2018, les indices de la conjoncture sont proches de leurs points hauts historiques, promettant à court terme une activité dynamique. Aux Etats-Unis, c’est toute une conjonction de facteurs, tels le renforcement du commerce mondial, la remontée des prix du pétrole, ou encore l’effort de reconstruction après le passage des ouragans Harvey et Irma, qui soutient l’activité. Les secteurs de l’énergie, du bâtiment, de l’industrie manufacturière, sont au cœur de l’accélération de la croissance américaine, que nous anticipons proche 3% cette année. Ce chiffre intègre l’effet les baisses d’impôts, discutable à long terme, mais estimé à un demipoint de PIB en 2018.
L’Europe n’est pas en reste. Sa première économie, l’Allemagne, progresse également sur une pente à 3%, et manifeste quelques signes de surchauffe. Outre-Rhin, le moteur exportateur tourne à plein régime, le taux de chômage est au plus bas depuis 35 ans.
Dans tous les secteurs d’activité, les chefs d’entreprise relatent des difficultés de recrutement, tandis que les salaires accélèrent. Si l’économie française n’est pas soumise aux mêmes tensions, elle n’en est pas exempte pour autant. Dans les enquêtes de l’Insee, les préoccupations d’offre (manque de personnel, insuffisance des équipements, soucis d’approvisionnement) l’emportent désormais sur celles de demande, une situation inédite depuis 2007. Plus au sud, l’incertitude politique (crise catalane, élections générales italiennes) ne paraît pas devoir freiner la marche des affaires. Ainsi l’Espagne continue-t-elle d’avancer à vive allure, 2018 devant constituer la quatrième année consécutive de croissance au voisinage de 3%. L’Italie est inscrite dans une reprise plus récente, mais qui se confirme trimestre après trimestre. Les deux économies se rapprochent ainsi de leur potentiel qui, d’après le FMI (Fonds monétaire international), serait atteint ou dépassé à l’horizon de 2019.
■ Début de normalisation monétaire
Pour les grandes banques centrales, le temps est à la normalisation – prudente – des politiques monétaires. La plus avancée sur ce terrain est la Réserve fédérale des Etats-Unis, la seule à réduire la taille de son bilan, et dont les taux d’intérêt devraient monter sans coup férir cette année. La Banque centrale européenne (BCE) n’en est pas là, ne serait-ce qu’en raison du retard pris par l’économie de la zone euro suite la crise des dettes souveraines (huit points de croissance de moins qu’aux Etats-Unis depuis 2011). Face aux tensions naissantes sur les capacités, peut-être demain sur les prix, sa politique se contente d’être moins accommodante : réduction des achats nets de titres (à EUR 30 mds par mois jusqu’en septembre), statu quo sur les taux directeurs. Le renchérissement de l’euro agissant, en outre, comme un resserrement monétaire, il est peu probable que la BCE presse le pas. Le frein mis par les banques centrales sur leur politique quantitative, également constaté au Japon, devrait tout de même avoir pour conséquence une remontée des rendements obligataires. La dette fédérale américaine fait l’objet d’un recyclage moins intensif, à un moment où le Tax Cut and Jobs Act l’augmente significativement (de USD 1.500 mds sur dix ans). En zone euro, les besoins de financements nets des Etats français ou espagnol ne sont plus tout à fait couverts par la BCE, alors qu’ils l’étaient largement en 2017.
Le recours public aux marchés va donc s’intensifier et, avec lui, la concurrence faite aux émetteurs privés. Les écarts de rendements (spreads) pourraient ainsi augmenter par effet d’éviction, alors qu’ils sont aujourd’hui très bas. Avec quelle conséquence ? S’ils accréditent la reprise et se félicitent de son caractère synchrone, le FMI ou encore l’OCDE (Organisation pour la coopération et le développement économiques) s’inquiètent des conséquences à moyen terme de l’élévation conjointe des ratios d’endettement et des prix d’actifs, immobiliers ou financiers. Leur constat est que si l’économie mondiale s’est en partie rétablie grâce à la faiblesse des taux d’intérêt, elle est aujourd’hui particulièrement vulnérable à leur remontée. Dès 2019, un ralentissement n’est pas à exclure. Il s’inscrit d’ailleurs dans notre scénario.
Jean-Luc Proutat