L’accord commercial entre les Etats-Unis et la Chine a apporté un certain répit. Il évite de nouveaux relèvements des droits de douane, par les Etats-Unis, et le risque d’une nouvelle escalade. L’accord devrait être le bienvenu en Chine compte tenu du ralentissement actuel de la croissance, mais aussi aux Etats-Unis, où les entreprises ont été de plus en plus nombreuses à faire part de leur inquiétude face à la guerre commerciale. Le reste du monde surveillera de près l’ampleur de la réorientation des échanges qui pourrait en découler. L’attention va à présent se porter sur les négociations de la phase « 2 », qui pourraient très bien signifier une nouvelle aggravation de l’incertitude commerciale à un moment donné.
Dans une perspective contre factuelle, un accord commercial, quel qu’il soit, est préférable à l’absence d’accord. Il en va de même en politique monétaire : des taux bas peuvent ne pas réussir à faire remonter l’inflation mais la situation serait pire si les taux directeurs n’avaient été abaissés. Compte tenu des chiffres sur le PIB chinois publiés cette semaine (croissance de 6,1% en 2019, le taux le plus faible depuis 1990), Pékin ne peut que se féliciter d’avoir à présent moins d’obstacles majeurs à surmonter. Parmi ces derniers fi gurent notamment des défis structurels (le rééquilibrage d’une économie tirée par les exportations et l’investissement à une économie tournée vers la consommation) mais la guerre commerciale joue aussi un rôle important. Les exportations vers les Etats-Unis ont reculé, expliquant en partie la très grande faiblesse du rythme des investissements dans l’industrie manufacturière en 2019, en hausse d’à peine 3,1%.
En cas de confl it commercial, l’on peut supposer que le pays excédentaire en pâtira, mais le pays défi citaire n’en tirera pas pour autant avantage. Une étude récente, réalisée par le conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale des Etats-Unis1 , conclut à l’impact négatif de cet affrontement sur les Etats-Unis également : « Les industries manufacturières américaines, les plus exposées à la hausse des droits de douane, enregistrent une diminution relative de l’emploi, l’effet positif lié à la protection contre les importations étant compensé par des effets négatifs plus importants, dus à la hausse des coûts des intrants et à la mise en place de tarifs en représailles. Les hausses de droits de douane s’accompagnent également de l’augmentation relative des prix
à la production via le renchérissement du coût des intrants ».
En l’absence d’accord commercial, les facteurs ci-dessus auraient continué à jouer un rôle dans la mesure où il y aurait eu une nouvelle escalade des droits de douane et un prolongement de l’incertitude concernant les conséquences de la bataille commerciale. L’analyse contrefactuelle, qui compare une situation avec un scénario alternatif, montre que nous devons nous réjouir de cet accord. Cependant, abstraction faite de l’alternative, force est de conclure qu’il y a moins de raisons de se féliciter. L’engagement de la Chine à accroître ses achats de produits américains ne porte que sur les deux prochaines années, les choses devenant moins claires ensuite. De plus, le vice-Premier ministre chinois aurait indiqué que ces achats seraient basés sur la demande du marché chinois2 . Les pays tiers, réduits au rôle d’observa teurs de cet accord « commercial aménagé » au niveau bilatéral, s’intéresseront, pour leur part, à ses conséquences en termes de réorientation des échanges commerciaux. Cette préoccupation a été exprimée par Phil Hogan, commissaire européen au commerce, dans un discours prononcé à Washington DC, qui a, par ailleurs, salué les dispositions adoptées sur la protection des droits de propriété intellectuelle3.
Comme il s’agit d’un accord de phase « 1 », l’attention des entreprises et des gouvernements ne tardera pas à se porter inévitablement sur la prochaine phase des négociations. Le Président Trump a déclaré que la conclusion d’un accord de phase « 2 » avec la Chine pourrait être reportée après les élections de 2020, dans l’idée que cela lui permettrait de négocier un meilleur accord pour les Etats-Unis. Comme les négociations s’apparentent fort au jeu de la carotte et du bâton, cela pourrait très bien signifier qu’après le soulagement, l’incertitude liée aux échanges commerciaux risque d’augmenter de nouveau.