Accord sur la Grèce : ce qu’il faut retenir
- La seconde revue du programme de financement pour la Grèce va se conclure. Le Mécanisme européen de stabilité (MES) s’apprête à verser EUR 8,5 mds aux autorités hellènes, dont toutes les parties s’accordent à dire qu’elles ont totalement rempli leur part du contrat.
- S’agissant des mesures pour l’allègement de la dette, les Européens restent, pour l’essentiel, dans le cadre de l’accord de mai 2016 : ces mesures ne seront adoptées que mi-2018, à la fin du programme, et l’ampleur n’est pas encore connue. Ils ont précisé autant que possible leur démarche.
- Le FMI a donné son imprimatur à cette démarche, sans toutefois rien céder sur le fond : il va recommander l’adoption d’un nouvel arrangement du Fonds pour la Grèce, mais celui-ci ne donnera lieu à aucun versement du FMI tant qu’un accord sur la dette n’aura pas été mis en œuvre entre la Grèce et ses créanciers.
- Les Européens reconnaissent que la prochaine étape pour la Grèce est de préparer son retour sur les marchés financiers.
Renouant avec leurs habitudes de prolonger le suspense jusqu’à la dernière minute, les ministres des finances de la zone euro sont parvenus, le 15 juin 2017, à un accord avec la Grèce et le FMI. Cela va permettre d’achever la seconde revue du programme de financement actuel, dont la conclusion était initialement prévue fin 2016. Nous en retenons les éléments suivants :
Horizon dégagé à court terme…
Les autorités grecques ont totalement rempli leur part du contrat. Les membres de l’Eurogroupe ont salué l’ensemble des mesures prises par les autorités grecques ces derniers mois pour parvenir à un accord. Toutes les actions préalables requises par les Européens et/ou le FMI ont été entreprises, en particulier des mesures destinées à renforcer la position budgétaire après l’achèvement du programme européen (voir Grèce : Accord en vue1 ). D’autres visent à réduire le stock de prêts non-performants dans le système bancaire, et à rendre opérationnel le Fond hellénique de privatisation et d’investissement.
Dans ces conditions, le Mécanisme européen de stabilité se prépare à verser une troisième tranche de prêt d’un montant d’EUR 8,5 milliards. Ce montant est plus que suffisant pour permettre à l’Etat grec de faire face à ses prochaines échéances, en particulier au remboursement de près de 7 milliards d’euros à la BCE au FMI et aux investisseurs privés. Après cela (et hors financements de court terme), la Grèce ne sera plus confrontée à des échéances majeures avant juillet 2018 ; elle devra alors à nouveau rembourser des titres détenus par la BCE (environ EUR 2 mds) 2 . De nouvelles tensions d’ici la fin du programme actuel sont donc très peu probables.
… mais question sur la soutenabilité de la dette au-delà
Depuis des mois, le principal point de désaccord entre Européens et FMI concerne la stratégie de moyen terme, et la façon dont la dette publique grecque va être rendue soutenable à l’issue du programme de financement actuel. A ce sujet, la principale innovation de l’accord intervenu hier concerne l’adoption prévue d’un « mécanisme d’ajustement à la croissance » issu d’une proposition française. Ce mécanisme devrait lier de façon plus ou moins automatique le reprofilage des prêts accordés par le FESF (Fonds européen de stabilité économique et financière) aux performances de croissance (restructuration de plus grande ampleur si la croissance s’avère plus faible que prévu). L’EuroWorking Group (task force de l’Eurogroupe) est chargé de travailler sur ce sujet. Une telle mesure pourrait ne pas être anecdotique si elle permet aux Européens et aux Grecs d’éviter, dans les années qui suivront l’accord de restructuration, de revenir à la table des négociations trop vite.
Pour le reste, les Européens continuent de s’inscrire dans le cadre de l’accord et du communiqué de mai 2016 (que nous avions décrit en détail dans « Grèce : rendez-vous manqué » 3 ). Le communiqué s’efforce en revanche de décrire très précisément leur démarche future, les conditions dans lesquelles les Européens évaluent la soutenabilité de la dette grecque et les mesures précises qu’ils sont prêts à prendre mi-2018 à la fin du programme actuel.
Ils fixent comme objectif que la Grèce dégage un excédent primaire de 3,5% du PIB pendant au moins cinq ans, soit jusqu’en 2022. C’était l’un des scénarios retenus par la Commission européenne dans son rapport sur la première revue du programme. Au-delà, pas de cibles officielles, mais des excédents égaux ou légèrement supérieurs à 2% du PIB seraient réputés suffisants pour satisfaire aux critères européens.
Sous ces hypothèses, les Européens continuent de calculer des besoins annuels bruts de financement de l’Etat grec en deçà de 15% du PIB à moyen terme et 20% du PIB au-delà. Pour ce faire, ils envisagent toute une série de mesures déjà décrites au printemps 2016, dont le versement des bénéfices du Securities markets programmes (SMP) de la Banque centrale européenne, le réaménagement des prêts du FESF, la suppression de marges d’intérêts, etc.
Ces mesures de restructuration ne seront adoptées qu’à la fin du programme actuel (mi-2018) et seront précisément calibrées à cette date, sur la base d’hypothèses et de projections de dettes réalisées en amont par les institutions européennes. Elles ne peuvent donc être chiffrées aujourd’hui.
Accord de principe du FMI
Compte tenu de l’incapacité des Européens à faire plus dès maintenant (et en particulier à quelques mois des élections en Allemagne), le FMI s’est décidé à donner son imprimatur, mais sans toutefois rien céder sur le fond. Ses équipes vont recommander au Conseil d’administration du Fonds d’adopter un « Accord de Principe pour l’ouverture d’un nouvel arrangement avec la Grèce », qui ne débouchera toutefois sur aucun versement financier tant que la Grèce et les Européens ne seront pas parvenus à un accord de restructuration qui satisfasse le FMI. Cet arrangement ne sera donc probablement pas opérationnel avant un an. Il semble que le montant envisagé par le FMI sera très faible (peut être de 2 milliards d’euros), et pourrait être mis à disposition sous la forme d’une ligne de précaution (une facilité de tirage, destinée à aider les Etats qui en bénéficient à se maintenir ou à faire leur retour, comme dans le cas de la Grèce, sur les marchés de capitaux).
Les questions qui restent en suspend
Cet accord va-t-il permettre, comme l’espéraient fortement les autorités grecques, aux titres de la dette publique de devenir éligibles au programme d’achat de titres de la BCE (QE) ? Rien n’est moins sûr, dans la mesure où il offre très peu d’éléments sur lesquels la Banque centrale pourrait s’appuyer pour établir la soutenabilité de la dette publique.
Malgré cela, l’Eurogroupe s’est déclaré conscient que la prochaine étape consistait pour la Grèce à préparer son retour sur les marchés de capitaux. Il s’est engagé à soutenir ses efforts en ce sens. En particulier, les prochains versements au titre du programme devront tenir compte de cet objectif, et permettre au pays de se constituer un coussin de liquidités.
Cela dit, il est malheureusement clair que le report d’un véritable accord sur l’allègement de la dette nuit plutôt à cet objectif, non seulement parce qu’il entretient l’incertitude sur les besoins de financement futurs de l’Etat grec, mais aussi parce qu’il souligne que les Européens et le FMI ne disposent pas, à ce stade, d’un scénario économique et budgétaire commun à moyen long terme pour la Grèce, faisant consensus, et sur lequel les investisseurs potentiels pourraient s’appuyer pour prendre leurs décisions.
Frédérique Cerisier