De véritables écosystèmes : Comment les réseaux peuvent stimuler les incubateurs africains

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À travers l’Afrique francophone, des incubateurs émergent rapidement pour accompagner une nouvelle génération de jeunes entrepreneurs. Malgré leur énorme potentiel, les incubateurs ne sont que l’un des nombreux acteurs d’un vrai écosystème entrepreneurial. C’est pourquoi il est de plus en plus important que les incubateurs – en plus d’allouer les ressources, les services et le financement nécessaires à des start-ups prometteuses – fournissent aux incubés une plateforme pour partager et transférer des connaissances à travers l’écosystème, non seulement avec leurs pairs, mais aussi avec les investisseurs, les centres de recherche, les experts de l’industrie, sur lesquels leurs entreprises finiront par dépendre.

Comme nous l’avons vu avec Impact Hub Bamako, certains incubateurs peuvent faire partie de franchises internationales, tandis que d’autres sont ancrés dans des organismes publics, privés, ou universitaires (ou un hybride des trois) et sont déjà associés à d’autres incubateurs. Bond’innov, par exemple, est un incubateur qui favorise la coopération entrepreneuriale entre le Nord et le Sud et a son siège social à Paris, situé sur le campus de l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), une grande organisation de recherche multidisciplinaire opérant dans plus de cinquante pays en développement.

Une autre initiative est le Club des Entrepreneurs Africains, une organisation panafricaine d’entrepreneurs créée sous les auspices du fonds d’impact investissement Investisseurs & Partenaires (I&P) pour fournir des services d’accompagnement, de formation et de plaidoyer, ainsi que des opportunités de réseautage. De même, INCO, un hub international pour les start-ups et les incubateurs spécialisés dans les technologies vertes, et qui établit des liens entre plusieurs écosystèmes à différents stades de développement de l’Amérique au Kenya en passant par Hong Kong, vient de lancer son programme SPRINT avec le gouvernement régional de Paris. SPRINT, vise à éduquer, incuber et accélérer les startups vertes dans six pays, dont l’Algérie, la Côte d’Ivoire, Madagascar, le Maroc, le Sénégal et la Tunisie, d’ici 2020.

Les organisations qui se connectent les unes aux autres peuvent mutuellement combler leurs lacunes en matière de connaissances et de capacités, pour couvrir toutes les étapes du développement sans que chaque incubateur ne sente la nécessité de se diversifier au point de viser un généralisme absolu. L’un des plus ambitieux de ces méta-programmes multi-pays est le Programme Afrique Innovation (PAI), qui a lancé un projet pilote de services de soutien transversaux et de nouveaux mécanismes de financement d’amorçage pour quatre incubateurs, en visant un total de six dans les trois ans à venir. Priorisant une vingtaine de pays francophones d’Afrique de l’Ouest et du Centre et financé par l’Agence française de développement (AFD), ainsi qu’un consortium de grands donateurs publics et privés, dont Orange et l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), le programme vise à renforcer la capacité des incubateurs d’Afrique francophone et d’autres infrastructures de soutien.

Le programme prototypera des outils et des services avec quatre incubateurs pilotes – Bond’innov, CTIC Dakar, et CIPMEN – qui pourraient servir de modèle pour l’incubation africaine dans le futur. Tout comme nous l’avons vu avec SahelInnov, le PAI lancera Afric’innov comme une marque accréditée pour les incubateurs participants qui devront répondre à certains critères d’éligibilité, y compris la qualité des services d’incubation et la fourniture d’un espace physique dédié pour les start-ups. Cela donnera une légitimité aux incubateurs bien établis et incitera les incubateurs moins mûrs à améliorer leur performance, tout en accordant aux start-ups une visibilité supplémentaire pour accéder aux fonds d’investissement, accélérer, être parrainées et finalement passer à l’échelle. À cette fin, Afric’innov vise également à fournir des formations pour stimuler la professionnalisation des incubateurs africains francophones et du secteur des MPME tout en abordant des défis communs tels que la qualité des services, l’accès au financement (souvent ressentie autant par les incubateurs que les start-ups qu’ils accompagnent) et la viabilité des programmes d’incubation sur le long terme. La signature d’un réseau accrédité permettra également aux incubateurs d’avoir une voix commune qu’ils pourront utiliser pour faire pression sur les gouvernements centraux et régionaux, pour promouvoir des réformes visant à soutenir l’esprit d’entreprise, par exemple des régimes complets tels que les Small Business Acts ou des mesures ad hoc comme les crédits d’impôt.

De son poste de PDG de Bond’innov, Ninon Duval le déclare ainsi : « un incubateur est lui-même un réseau de soutien local pour les start-ups, donc [avec PAI nous] visons à construire un réseau de réseaux. » Le réseau offre de nombreux avantages, permettant à la fois aux incubateurs et leurs incubés de comparer leur performance avec leurs pairs et trouver une source d’inspiration sur la façon d’opérer et de s’améliorer. La plate-forme web du programme Afric’innov, en outre, est ouverte à n’importe quel incubateur en Afrique, dans l’espoir que cela favorisera « une communauté d’incubateurs » pour tester collectivement des outils et services qui peuvent être mis en œuvre ailleurs. En échangeant avec d’autres praticiens et en s’appuyant sur des objectifs communs, les incubateurs peuvent déclencher une innovation plus large dans leur région, adopter les meilleures pratiques et relier les start-ups participantes et les MPME à de plus grandes infrastructures et des pools de soutien, en leur donnant la possibilité de présenter leurs idées et produits à moindre coût et explorer de nouveaux marchés et partenariats potentiels.

De nouvelles coalitions se développent également entre le secteur privé, les autorités publiques et les communautés locales pour créer les conditions nécessaires pour que les start-ups passent à l’échelle. L’importance de ces partenariats a été la logique qui a conduit le géant des télécommunications Orange S.A., à soutenir la création de cinq incubateurs en Afrique depuis 2011 : CTIC Dakar au Sénégal, EBENE à Maurice, CIPMEN au Niger, CREATEAM au Mali et SABOUTECH en Guinée. Conformément au plan d’action de la multinationale pour le développement social et économique, Orange4Development, les cinq incubateurs sont conçus avec une structure de gouvernance horizontale qui assure la représentation du secteur public et privé et de la société civile. Les incubateurs, les accélérateurs et les fab-labs soutenus par Orange mettent également en place et maintiennent d’autres formes d’appui, comme des fonds de capital-risque, du crowdfunding, des compétitions et des boîtes à outils en ligne. Comme beaucoup de grandes entreprises, Orange reconnaît que des écosystèmes entrepreneuriaux plus sophistiqués dans les pays en développement représentent une opportunité pour eux de développer leurs opérations en développant leur base de partenaires, sous-traitants, fournisseurs et distributeurs potentiels.

On dit qu’il faut un village pour élever un enfant. De la même façon, les entrepreneurs et les start-ups dépendent d’un écosystème entier pour donner vie à leurs idées. En mettant en place des partenariats à travers le secteur public et privé et la société civile pour créer des réseaux légitimes et crédibles pour les incubateurs et soutenir les entrepreneurs en Afrique francophone, les initiatives comme Afric’innov, Orange4Development et SPRINT s’avéreront un catalyseur essentiel pour faire émerger un secteur de MPME florissantes dont le continent a tant besoin pour créer des emplois et générer un développement économique et social qui soit tiré par le secteur privé et qui s’inscrive ainsi dans la durée.

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