Etats-Unis : Les inquiétudes s’auto-alimentent-elles face à l’inversion de la courbe ?
■ La courbe des Treasuries s’est considérablement aplatie cette année
■ Un tel aplatissement a été par le passé un bon indicateur avancé des récessions
■Ce signal est désormais moins fiable mais on peut se demander s’il ne finira pas par impacter la confiance à l’égard des perspectives
Dans un discours récent, James Bullard, président de la Federal Reserve Bank of St Louis, a rappelé que « l’inversion de la courbe des taux est un signal naturellement baissier pour l’économie… qui mérite l’attention des marchés et des décideurs politiques ». La courbe noire sur le graphique illustre la remarque de J. Bullard. Elle montre l’écart de rendement ajusté entre Treasuries à 2 et 10 ans (entendre par « ajusté » un rendement fondé sur une estimation économétrique même si la différence avec les rendements observés est négligeable). Dans la période précédant les récessions (barres grises), on observe un aplatissement notable de la courbe et parfois même une inversion.
Le rendement obligataire se décompose en rendement « risque neutre » (reflétant les anticipations de politique monétaire) et en prime de terme de sorte que l’évolution de la courbe peut être attribuée aux variations de la pente des anticipations de taux (courbe verte) et à celles de la pente de la prime de terme (courbe bleue). Avant les récessions précédentes, la courbe des anticipations de taux s’est considérablement aplatie et inversée. Le comportement de la pente de la prime de terme a été moins stable. Depuis le début de l’année, la courbe de la prime de terme a enregistré un aplatissement notable, un facteur clé de l’aplatissement de la courbe de taux. La courbe des anticipations de taux (courbe verte) s’est également aplatie, mais dans de moindres proportions. De plus, au vu des données historiques, elle reste assez pentifiée.
Autrement dit, l’aplatissement de la courbe n’est pas si préoccupant. Par ailleurs, la politique d’assouplissement quantitatif de la banque centrale a comprimé la prime de terme de sorte que le signal de la courbe de taux concernant les perspectives économiques s’en trouve brouillé. Des inquiétudes persistent néanmoins. Les agents économiques pourraient mettre en doute la valeur statistique de la décomposition de la courbe de taux et préférer considérer les rendements dans leur ensemble plutôt que les rendements « risque neutre ». Plus important, les investisseurs ayant une aversion au risque pourraient adopter une attitude de type « mieux vaut prévenir que guérir » et ajouter foi au signal envoyé par la courbe, aussi brouillé soit-il. Cela pourrait renforcer l’aplatissement de la courbe et finir par peser sur la confiance à l’égard des perspectives économiques.
William DE VIJLDER