Cinq mois après leur contraction historique de mars-avril, les indicateurs constituant notre « baromètre » de l’activité aux États-Unis affichent un redéploiement incomplet. Si l’indice ISM (Institute for Supply Management) des directeurs confirme un retour à la normale (il s’est stabilisé légèrement au-dessus des 55 points en septembre), cela n’est pas le cas de l’emploi qui, en dépit de 660 000 nouvelles créations de postes en septembre, est loin d’avoir retrouvé son niveau d’avant-crise.
L’épidémie de Covid-19, qui reste active aux États-Unis (40 000 nouveaux cas d’infection par jour), laisse toujours sans travail une dizaine de millions d’Américains, la plupart modestes. Les chiffres du BLS (Bureau of Labor Statistics) indiquent que les deux tiers des pertes d’emploi recensées depuis février touchent des populations à faibles niveaux de qualification et de revenu. C’est aussi là que se concentrent les difficultés d’inscription au système d’assurance-chômage, aboutissant à une baisse de la population active. Celle des adultes peu diplômés aurait ainsi reculé de quelque 3,5 millions, une sortie des radars qui a eu des effets inattendus sur certaines variables macroéconomiques.
C’est, par exemple, le cas des salaires horaires, dont la poussée récente fut moins le fait d’un enrichissement des travailleurs américains que d’une diminution, non totalement répercutée sur les feuilles de paie, de leur temps de travail et d’une sous-représentation des catégories de revenus les plus faibles. Il n’y a pas de pression inflationniste, au contraire, le durcissement de la concurrence autant que la nécessité d’écouler les stocks ayant plutôt tiré les prix des biens de consommation vers le bas au cours des derniers mois. Après son rebond du troisième trimestre (de l’ordre de 7% selon les estimations de la Réserve fédérale d’Atlanta), le PIB des États-Unis reste inférieur de quatre point à son niveau avant-crise (celui atteint fin 2019), une perte « résiduelle » qu’il sera plus difficile de récupérer.
Jean-Luc Proutat