Inde : la croissance économique indienne a légèrement rebond
Au deuxième trimestre de l’exercice 2017/18 la croissance économique indienne a légèrement rebondi. Les indicateurs du troisième trimestre confirment cette reprise tirée par le dynamisme de l’industrie. En revanche, la consommation des ménages a ralenti et les investissements privés peinent à redémarrer alors que l’environnement institutionnel et monétaire est beaucoup plus favorable qu’il y a un an. En outre, la hausse des pressions inflationnistes et le risque de dérapage budgétaire pourraient inciter la banque centrale à durcir sa politique monétaire. En dépit du ralentissement économique et d’une hausse des tensions sociales, le parti de coalition au pouvoir (NDA) pourrait obtenir la majorité à la chambre haute du parlement avant les élections générales de 2019.
■ Légère accélération de l’activité
Au cours du deuxième trimestre de l’exercice 2017/18, la croissance économique indienne a légèrement rebondi à +6,3% en glissement annuel (g.a.) après avoir décéléré pendant cinq trimestres consécutifs. L’activité a été particulièrement dynamique dans l’industrie (+5,8% en g.a.) alors qu’elle a ralenti dans l’agriculture et les services. Les entreprises ont reconstitué leurs stocks (après la phase d’incertitude liée à la mise en place de la TVA en juillet) et le gouvernement a accru ses dépenses d’infrastructures de sorte que les investissements ont accéléré de +4,7% en g.a. En revanche, la consommation des ménages, d’ordinaire premier moteur de la croissance économique, a décéléré pour le troisième trimestre consécutif et les indices de confiance des consommateurs ont
continué de se dégrader. En effet, la hausse des prix depuis le mois de juillet pèse sur la consommation des ménages.
La reprise de l’activité dans l’industrie s’est confirmée au début du troisième trimestre de l’exercice 2017/18. La production industrielle a accéléré, notamment dans le secteur des infrastructures et des biens d’investissement. Les derniers résultats d’enquête auprès des entreprises confirment cette tendance positive. En décembre, l’indice PMI manufacturier a atteint 54,7 et les taux d’utilisation des capacités de production se sont tendus. Par ailleurs, le crédit dans l’industrie a enregistré une croissance positive après plus d’un an de contraction. Néanmoins, à ce jour, il n’y a toujours aucun signe de reprise des investissements privés. Les nouveaux projets ont atteint des niveaux particulièrement bas en décembre. Cependant, les conditions monétaires et institutionnelles (avec l’amélioration de l’environnement des affaires) sont aujourd’hui favorables à une reprise des investissements privés. Toutefois, il ne faudrait pas que la banque centrale indienne durcisse sa politique monétaire dans un contexte de résurgence des pressions inflationnistes.
■ Résurgence des pressions inflationnistes
En décembre, la hausse des prix à la consommation a atteint un point haut de 5,2% en g.a. alors qu’elle s’établissait à seulement +1,5% en juin. Dans le même temps, les prix hors alimentation ont augmenté de 5,5%. La hausse des prix à la consommation reflète plusieurs phénomènes : l’augmentation des prix alimentaires suite à des conditions climatiques peu favorables (+5%), la hausse des prix du fioul (+7,9%) conjointement à l’augmentation des cours mondiaux, la mise en place de la taxe sur les biens et services au 1er juillet et, enfin, la hausse des indemnités logements des fonctionnaires du gouvernement central. Cette dernière explique l’augmentation rapide des prix des logements depuis l’été (+8,2% en g.a. en décembre) et devrait se poursuivre dans les prochains trimestres. En effet, les fonctionnaires régionaux, devraient, eux aussi, bénéficier d’une hausse de leurs indemnités logement. A ce jour, la hausse des prix reste en deçà de la cible fixée par les autorités monétaires (4% au sein d’une bande de +/- 2%). Elles ont ainsi maintenu inchangés les taux directeurs lors du dernier conseil de politique monétaire du mois de décembre.
Les ménages et les entreprises anticipent une poursuite de l’augmentation des prix et les entrepreneurs ont déjà commencé à répercuter la hausse de leurs coûts de production sur leurs prix de vente au détail. Par ailleurs, la banque centrale a souligné les risques induits par les facteurs externes (prix du pétrole supérieurs à USD 60 le baril) et internes (risque de dérapage budgétaire) qui pourraient générer une hausse des pressions inflationnistes au-delà de la cible, même si ce scénario n’est pas privilégié. Les autorités monétaires estiment notamment qu’une hausse du déficit budgétaire de l’Etat et des administrations de 1 point de pourcentage pourrait générer une augmentation des prix à la consommation de 50 points de base1.
■ Risque de dérapage budgétaire sur l’exercice 2017/18
Le déficit budgétaire du gouvernement et des Etats ne sera vraisemblablement pas réduit à, respectivement, 3,2% et 2,6% du PIB, comme prévu dans le projet de finances 2017/18. La banque centrale indienne projette une hausse du déficit du gouvernement et de l’ensemble des administrations à 6,9% du PIB contre 6,4% du PIB en 2016/17.
En fin d’année 2017, le gouvernement a annoncé un emprunt additionnel de INR 500 mds (l’équivalent de 0,3% du PIB) pour financer son déficit budgétaire au cours du dernier trimestre de l’exercice 2017/18 qui s’achèvera le 31 mars 2018. En effet, en novembre, le déficit budgétaire accumulé sur les huit premiers mois de l’exercice 2017/18 atteignait déjà 112% de l’objectif annuel. Les recettes fiscales ne s’élevaient qu’à 54,2% de leur cible alors que les dépenses atteignaient près de 69% de l’objectif annuel. Les taxes perçues sur les revenus des entreprises, les dividendes reçus et les taxes douanières ont été très inférieurs aux objectifs fixés par le gouvernement. Dans le même temps, les dépenses d’intérêt ont fortement augmenté. Elles s’élevaient à plus de 35% des recettes du gouvernement.
Le creusement du déficit budgétaire sur l’exercice 2017/18 devrait se résorber dès l’exercice 2018/19 et ne remet pas en cause la consolidation des finances publiques indiennes des cinq dernières années. La recapitalisation des banques publiques annoncée en octobre (1,3% du PIB) aura un impact très marginal sur les dépenses du gouvernement compte tenu de son mode de financement. En revanche, le risque de creusement du déficit des Etats fédéraux est en hausse et le niveau élevé de la dette publique (qui se maintient à 68% du PIB) reste une contrainte forte au développement du pays.
■ Amélioration de l’environnement des affaires
Au cours des cinq dernières années, l’environnement des affaires et la qualité des institutions se sont légèrement améliorés même s’ils restent faibles. L’Inde était classée respectivement 130e sur 190 et 104e sur 202 dans le World doing business et le Global governance indicators. Les principales fragilités du pays restent la corruption, la qualité des infrastructures et le marché du travail.
La compétitivité du pays s’est particulièrement accrue. En cinq ans, le pays a gagné 19 places dans le classement effectué par la Banque mondiale. Dans le dernier rapport publié à l’automne 2017, elle était classée 40e sur 137 pays (devant les Philippines et le Vietnam mais derrière la Chine, l’Indonésie, la Malaisie et la Thaïlande). Le gouvernement indien est parvenu à créer un environnement plus favorable aux investissements directs étrangers qui ont ainsi augmenté de 1 point de PIB en cinq ans. Au troisième trimestre, les entrées nettes d’IDE ont atteint 2% du PIB et couvraient ainsi très largement le déficit courant (contenu à 1,2% du PIB).
■ Renforcement de la position de Narendra Modi
Lors des dernières élections régionales qui se sont tenues en décembre 2017, le parti au pouvoir de Narendra Modi (le BJP) a renforcé sa position en remportant les élections dans le Gujarat (99 sièges sur 182) et l’Himachal Pradesh (44 sièges sur 68). La démonétisation, la mise en place de la TVA et le ralentissement économique qui en ont découlé n’ont altéré que très partiellement la popularité du Premier ministre. Huit nouvelles élections auront lieu en 2018 et génèreront le renouvellement de 23 sièges à la chambre haute du parlement (Rajya Sabha) d’ici 2020. Ces élections confirmeront ou non la position du BJP dans des Etats clés comme le Madhya Pradesh et le Rajasthan. En Janvier, le parti de coalition, le National Democratic Alliance (NDA), y détenait 83 sièges sur 245, contre seulement 56 en 2014. Ainsi, même s’il n’a toujours pas la majorité, le NDA est parvenu à renforcer sa position depuis son arrivée au pouvoir, et ce, en dépit des tensions sociales et interethniques. Par ailleurs, il pourrait obtenir les sièges qui lui manquent pour détenir la majorité d’ici la fin de l’année 2018. En effet, 65 membres de la Rajya Sabha seront renouvelés au cours de l’année 2018 et le parti de coalition est aujourd’hui majoritaire dans quinze des dix-huit Etats qui éliront leurs nouveaux représentants.
Johanna Melka