La Banque du Japon (BoJ) a décidé mardi de mettre fin à sa politique de taux d’intérêt négatifs, en vigueur depuis huit ans, opérant un virage historique après des décennies de mesures de stimulus, avec la première hausse de ses taux d’intérêt en 17 ans.
La banque centrale nippone maintenait depuis 2016 un objectif de taux d’intérêt à court terme à -0,1% dans le cadre d’une politique ultra-accommodante destinée à soutenir l’économie, à contre-courant des principales banques centrales mondiales ayant multiplié depuis deux ans les hausses des taux d’intérêt face à la flambée de l’inflation.
Cette décision, communiquée à l’issue de la réunion de deux jours de politique monétaire de la BoJ, intervient alors que l’inflation se trouve depuis plus d’un an bien au-dessus de l’objectif de 2% de l’institution.
Elle suit aussi l’annonce effectuée la semaine dernière par les grandes entreprises du pays d’augmentations salariales plus importantes que prévu, laissant espérer à la BoJ une consommation plus importante à l’avenir avec pour effet de stimuler la demande et les prix.
La banque centrale a toutefois maintenu ses taux d’intérêt autour de 0%, le fragile rebond de l’économie japonaise la contraignant, selon des analystes, à faire preuve de prudence dans le resserrement de sa politique monétaire.
Comme attendu, la BoJ a abandonné sa politique de taux négatifs pour fixer à 0%-0,1% son objectif de taux d’intérêt à court terme, avec une rémunération de 0,1% sur les réserves excédentaires des institutions financières déposées auprès d’elle.
« Il y a une grande signification symbolique », avait déclaré Izumi Devalier, analyste en chef de l’économie japonaise chez BofA Securities, en amont du communiqué de la BoJ, en référence à l’attendue première hausse des taux depuis 2007.
« Mais l’impact réel sur l’économie est minime », avait-elle ajouté, disant s’attendre à ce que la banque centrale nippone reste déterminée à maintenir une politique accommodante.
La BoJ a aussi décidé mardi de lever le contrôle de la courbe des taux, une mesure qui était en place depuis 2016 pour encadrer les rendements à long terme autour de zéro, et de mettre fin à son programme d’achat d’actifs risqués.
Les acteurs du marché, qui anticipaient un virage dans la politique monétaire de la BoJ en mars ou en avril, attendent désormais les commentaires du gouverneur de l’institution, Kazuo Ueda, dans l’espoir de disposer d’éléments sur le calendrier de possibles hausses supplémentaires.
Cruciaux sont les enjeux, à l’échelle nationale et potentiellement dans le monde.
Si les rendements obligataires venaient à progresser, le coût du financement de la dette publique du Japon grimperait, alors qu’elle est déjà énorme – deux fois la taille de son économie, le ratio en proportion du produit intérieur brut (PIB) le plus important parmi les économies avancées.
Le virage opéré par la BoJ pourrait aussi avoir un impact sur les marchés financiers mondiaux, alors que les investisseurs japonais ayant accumulé des investissements à l’étranger, dans une quête de rendements, pourraient être tentés de rapatrier leur capitaux.
Sous la houlette de son précédent gouverneur, Haruhiko Kuroda, la BoJ a déployé en 2013 un massif programme d’achat d’actifs, avec l’objectif initial de porter sous deux ans l’inflation à 2%.
La faiblesse de l’inflation a poussé l’institution à revoir ses plans, avec en 2016 l’adoption de taux d’intérêt négatifs et le contrôle de la courbe des taux, des mesures considérées alors comme davantage viables.