Journée mondiale de l’alimentation : l’agriculture, une voie d’avenir pour les jeunes Africains et un frein aux migrations
« Nous devons faire venir les jeunes à l’agriculture et y voir une activité entrepreneuriale lucrative, non pas un signe de manque d’ambition » – Akinwumi Adesina, président de la Banque africaine de développement.
La sécurité alimentaire en Afrique dépend de la capacité à attirer les jeunes vers l’agriculture et l’agroalimentaire. Tel est le message qu’a livré la Banque africaine de développement à l’occasion de la Journée mondiale de l’alimentation 2017. Car le secteur agricole a le potentiel de créer de la richesse et des emplois pour les jeunes Africains – de quoi endiguer les migrations.
La Journée mondiale de l’alimentation, célébrée tous les ans le 16 octobre, promeut la sensibilisation et une action mondiale en faveur de ceux qui souffrent de la faim. Elle rappelle également la nécessité d’assurer pour tous une sécurité alimentaire et un régime alimentaire nutritif. Le thème de cette année met l’accent sur la nécessité de « changer l’avenir des migrations – Investir dans la sécurité alimentaire et le développement rural ».
Le programme ENABLE Youth de la BAD, qui prépare une nouvelle génération de jeunes “agripreneurs”, est en bonne voie pour y parvenir.
Au Libéria, Mahmud Johnson, 26 ans, est le fondateur de J-Palm Liberia, qui travaille à accroitre de 50 à 80 % les revenus des petits exploitants de palmiers à huile. Il est aussi en train de créer des emplois pour plus de 1 000 jeunes, amenés à travailler comme commerciaux pour ses produits.
« En dépit de difficultés colossales, nous, jeunes Africains, sommes résolus à maximiser les ressources agricoles que nous avons en abondance, pour créer de la richesse, des emplois et des opportunités socio-économiques dans nos pays et à travers tout le continent. Nous avons besoin que nos parties prenantes nous voient comme des partenaires sérieux dans la transformation de l’Afrique et qu’ils nous aident à développer nos entreprise », plaide Mahmud Johnson.
Mahmud et quelques-uns de ses employés ont bénéficié de programmes de renforcement des capacités dans le cadre de l’initiative Empowering Novel Agri-Business-Leded Youth for Youth, dite « ENABLE Youth » par acronyme.
À l’instar du jeune patron de J-Palm Liberia, de nombreux jeunes africains n’ont d’autre envie que de rester en Afrique pour y créer de la richesse et des emplois, à condition qu’on leur offre les outils et l’opportunité d’utiliser leurs compétences. La Banque collabore avec l’Institut international d’agriculture tropicale (IITA) dans le cadre du programme ENABLE Youth, pour développer une nouvelle génération de jeunes agripreneurs.
« Notre objectif est de faire émerger 10 000 jeunes entrepreneurs agricoles par pays au cours des dix prochaines années, a déclaré le président Adesina. En 2016, la Banque a fourni 700 millions de dollars pour appuyer ce programme dans huit pays, et nous avons aujourd’hui des demandes en provenance de 33 pays ».
Pour la Banque, les investissements dans l’agriculture sont essentiels pour que les jeunes Africains puissent prospérer, et, partant, endiguer les flux de migration.
Cet objectif et le thème de la Journée mondiale de l’alimentation 2017 sont bien alignés sur deux des Cinq grandes priorités de développement de la BAD, les High 5 – Nourrir l’Afrique et Améliorer la qualité de vie des populations africaines –, a déclaré Jennifer Blanke, vice-présidente chargée de l’Agriculture et du développement social à la BAD.
« Une agriculture reposant sur un secteur privé florissant en Afrique est à même de fournir des emplois et des revenus qui attirent et retiennent les meilleurs talents africains sur le continent, tout en améliorant la qualité de vie de tous les Africains », a-t-elle plaidé.
Avec plus de 70 % des Africains qui dépendent de l’agriculture pour leur subsistance, il est impératif de libérer le plein potentiel de ce secteur, ce qui contribuera grandement à améliorer la qualité de vie des Africains.
En conséquence, l’un des objectifs de « Nourrir l’Afrique » est d’éliminer la faim et la malnutrition à l’horizon 2025.
Parce que les ressources minérales comme l’or, les diamants ou le pétrole brut ne sont pas illimitées, les pays africains doivent diversifier leurs économies. Cela ne peut se faire sans mettre l’accent sur l’agriculture, étant donné que la grande majorité des Africains en dépendent pour leur subsistance.
La hausse de la demande alimentaire et l’évolution des habitudes de consommation en raison de facteurs démographiques comme l’urbanisation (flux migratoires intérieurs) entraînent une hausse rapide des importations nettes de produits alimentaires. Celle-ci devraient même tripler et passer de 35 milliards de dollars en 2015 à plus de 110 milliards de dollars d’ici à 2025 si la tendance à la hausse n’est pas jugulée.
Sachant que les petits agriculteurs africains ont autour de 60 ans en moyenne, la sécurité alimentaire de l’Afrique dépend de sa capacité à attirer les jeunes vers l’agriculture et l’agroalimentaire et à les responsabiliser. Les gouvernements peuvent soutenir ces changements en créant les conditions propices, grâce à des réformes politiques visant à accroître les investissements privés dans l’agriculture et l’agroalimentaire. Et aussi en définissant mieux l’importance de l’agriculture pour leurs économies dans leur interaction avec le public.
« La sécurité alimentaire, le développement rural sont étroitement liés aux questions de migration, de fragilité et de résilience, analyse Khaled Sherif, vice-président de la BAD pour le Développement régional, l’Intégration et la Prestation de services. La Corne de l’Afrique et le Sahel offrent des exemples incontestables de la façon dont des facteurs mondiaux comme l’insécurité alimentaire, l’extrémisme radical et les migrations aggravent la fragilité d’un État et ont un effet dévastateur sur le développement. »
Et le vice-président Sherif d’ajouter : « Le manque d’opportunités économiques, d’infrastructures, d’opportunités d’emploi et les changements climatiques imprévisibles dans ces pays sont des sources majeures de fragilité, qui conduisent souvent à la migration forcée de populations dans une quête désespérée d’opportunités. La Banque adopte, le cas échéant, des approches fondées sur les risques aux niveaux national et régional pour lutter contre la fragilité ».
Ainsi, le 14 octobre, la BAD a joint sa voix à celle du ministre de l’Agriculture et du développement rural de la Côte d’Ivoire et d’autres partenaires au développement lors d’une journée qui promouvait l’agriculture comme activité lucrative. Tous ont souligné la nécessité pour les gouvernements d’investir dans l’agriculture pour créer des emplois et endiguer les flux migratoires qui minent la sécurité et l’économie des pays africains.