La banque centrale chinoise a diminué mardi son taux d’intérêt directeur à court terme pour la première fois en 10 mois afin de restaurer la confiance des marchés et de stimuler une reprise post-pandémie qui s’essouffle.
La réduction du taux à court terme indique que les taux à plus long terme pourraient être à leur tour assouplis au cours des prochaines semaines à mesure que le sentiment des investisseurs se dégrade et que la demande s’affaiblit, deux arguments supplémentaires en faveur d’un assouplissement monétaire pour soutenir la croissance.
La Banque populaire de Chine (BPC) a réduit son taux de prise en pension à sept jours de 10 points de base (pdb) à 1,90% contre 2,00% mardi, après avoir injecté deux milliards de yuans (258,99 millions d’euros) par le biais de cet instrument obligataire à court terme.
« La décision de la banque centrale de réduire ses taux n’a pas pris les marchés totalement par surprise », remarque Ken Cheung, stratégiste en chef pour les devises asiatiques chez Mizuho Bank.
« Les banques commerciales ont déjà abaissé leurs taux de dépôt et le gouverneur de la BPC, Yi Gang, a également mentionné récemment un renforcement des mesures d’ajustement contracycliques ».
Le yuan a atteint un plus bas de six mois à 7,1680 par dollar après la décision de la banque centrale, tandis que les rendements des obligations souveraines chinoises à 10 ans ont chuté à un nouveau plus bas de 7 mois et demi, à 2,640%.
Selon Ken Cheung, la BPC a pu chercher à limiter les impacts de futurs assouplissements de politique monétaire sur le yuan, en amont de la réunion de la Réserve fédérale américaine (Fed) cette semaine.
La BPC fait figure d’exception parmi les banques centrales mondiales car elle assouplit sa politique monétaire au moment où ses principaux homologues sont engagés dans un cycle de hausses des taux.
De nouvelles réductions des taux d’intérêt en Chine ne feraient que creuser l’écart de rendement avec les Etats-Unis, même si la Fed devait faire une pause cette semaine, ce qui ferait pression sur le yuan et accélérerait les sorties de capitaux.
La Chine doit publier cette semaine les données de mai sur les prêts et plusieurs indicateurs d’activité, y compris les ventes au détail et la production industrielle.
La décision de mardi suggère que les décideurs politiques sont de plus en plus inquiets sur la vigueur de la reprise chinoise, selon des traders et des analystes.
« Cela rappelle au marché que l’économie chinoise reste confrontée à des défis durant sa reprise », indique Marco Sun, analyste en chef des marchés financiers à la MUFG Bank (Chine).
« Toutefois, le marché s’attend à ce que la BPC réduise encore son taux directeur. La BPC pourrait de fait procéder à des ajustements marginaux du taux directeur afin de stimuler la croissance du crédit et de limiter les problèmes d’inflation sur les prochains trimestres. »
L’agence Bloomberg, citant des sources anonymes, a rapporté mardi que la Chine envisageait au moins une douzaine de mesures de relance, incluant des baisses de taux d’intérêt pour soutenir des secteurs comme l’immobilier et la demande intérieure.
Le prochain ajustement de taux pourrait avoir lieu dès jeudi, lorsque la banque centrale devra renouveler 200 milliards de yuans (25,90 milliards d’euros) de facilités de prêts à moyen terme (MLF).
« La réduction de 10 points de base du taux de prise en pension peut être considérée comme un précurseur d’une réduction du taux MLF ce jeudi », déclare Frances Cheung, stratège taux chez OCBC Bank.
« Les taux pourraient continuer à être sous pression, mais les prix intègrent déjà une bonne dose de pessimisme sur l’état de l’économie chinoise et de nouvelles baisses de taux, ce qui limitera le potentiel de baisse ».
Les marchés s’attendent par ailleurs à ce que le taux de base des prêts (LPR), utilisé pour fixer les taux des prêts à la consommation et des prêts hypothécaires, soit abaissé de la même ampleur que le taux de prise en pension mardi prochain.
Et certaines banques d’investissement prévoient une réduction de 25 pdb du ratio de réserves obligatoires (RRR), le montant de liquidités que les banques doivent garder en réserve, cette année.
« Il pourrait y avoir moins d’urgence à diminuer le taux de RRR après la baisse de taux de mardi. Nous nous attendons désormais à ce que la réduction du RRR de 25 pdb que nous avions prévue pour juin aura plutôt lieu au troisième trimestre », écrivent les économistes de Goldman Sachs dans une note.
« Il pourrait y avoir une autre réduction du RRR ou de nouvelles baisses de taux au quatrième trimestre, en fonction du comportement de l’économie les prochains mois ».