La Banque mondiale appelle à des mesures urgentes pour rompre le cycle de la transmission de la pauvreté entre générations
Selon les premières conclusions d’un rapport de la Banque mondiale à paraître, intitulé Fair Progress? Educational Mobility Around the World, la position sociale des parents exerce toujours la même influence qu’il y a 50 ans sur les destinées d’un individu. À l’occasion du 25e anniversaire de la Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté, la Banque mondiale tire la sonnette d’alarme devant l’absence de progrès obtenus depuis un demi-siècle sur ce levier indispensable pour réduire la pauvreté et les inégalités et soutenir la croissance.
Ce rapport, dont une version préliminaire est présentée aujourd’hui, permet de réunir les premières pièces du puzzle de la mobilité économique en traitant de front la question de l’influence du niveau d’instruction des parents pour la réussite ou l’échec de leurs enfants. Et de mettre en évidence l’importance des politiques publiques pour donner à chaque enfant, indépendamment du parcours de ses parents, les mêmes chances d’exprimer pleinement son potentiel. La version complète du rapport, attendue début 2018, étendra le champ des réflexions pour s’intéresser aux moteurs de la mobilité des revenus, s’attachant notamment au rôle des marchés et, plus largement, à la dynamique de la transformation économique.
« Face à la crise du capital humain que nous traversons, nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour édifier un monde dans lequel chaque enfant, où qu’il vive, ait des chances égales de devenir ce à quoi il aspire » , déclare le président du Groupe de la Banque mondiale, Jim Yong Kim. « Pour des centaines de millions d’êtres humains dont le sort reste trop étroitement lié à celui des générations précédentes, les chances d’exprimer leur potentiel sont extrêmement réduites. Nous devons investir dans les jeunes enfants de manière à inscrire la réussite dans leur ADN et satisfaire les attentes des jeunes en agissant à tous les niveaux, en particulier local, pour veiller à ce que les générations de demain puissent prospérer, quel que soit leur pays ou leur milieu d’origine. »
Depuis 50 ans, le niveau éducatif ne progresse plus d’une génération à l’autre dans les économies en développement : dans ces pays, en moyenne, environ la moitié des individus nés dans les années 80 sont plus instruits que leurs parents, soit une proportion comparable à celles des individus nés dans les années 60. Si nous ne modifions pas la manière dont nous investissons dans nos enfants, surtout ceux issus de milieux défavorisés, la situation sera probablement la même dans dix ans, rendant encore plus difficile la réalisation de l’objectif visant à mettre fin à l’extrême pauvreté à l’horizon 2030.
L’ascension éducative d’une génération à l’autre est particulièrement faible dans les pays en développement et, en particulier, en Afrique subsaharienne : ainsi dans certains pays, seuls 12 % environ des jeunes adultes d’aujourd’hui y sont plus instruits que leurs parents, contre plus de 80 % dans le cas des jeunes adultes d’Asie de l’Est. Les quinze économies où le niveau d’instruction d’un individu est le plus étroitement corrélé à celui de ses parents appartiennent toutes au groupe des pays en développement.
Le rapport trace trois grandes pistes d’action pour améliorer la mobilité économique entre générations.
Égalité des chances pour les enfants : des investissements dans le développement de la petite enfance, l’accès et la qualité de l’éducation, les soins de santé maternels et infantiles, la nutrition, les infrastructures, l’eau et l’assainissement font partie des services essentiels dont doit bénéficier un enfant dès le plus jeune âge si l’on veut améliorer la mobilité et renforcer le capital humain. Ainsi, la mobilité sera plus importante dans les pays où les retards de croissance (une taille insuffisante pour l’âge, signe de malnutrition chronique) chez les enfants de cinq ans sont moins prononcés qu’ailleurs et dans les pays qui investissent davantage de ressources publiques dans l’éducation.
L’importance de l’éducation et des apprentissages comme voie de sortie de la pauvreté fait par ailleurs l’objet du dernier Rapport sur le développement dans le monde, qui plaide fortement pour des investissements dans l’amélioration des acquis scolaires. Le Groupe de la Banque mondiale vient en outre de dévoiler son « Projet sur le capital humain », dont l’objectif est d’accélérer les efforts pour aider les pays à investir davantage et plus efficacement dans leurs populations, afin de stimuler une croissance économique sans exclus et de mettre fin à l’extrême pauvreté.
Aspirations : pour qui a l’impression d’être condamné à être pauvre, les motivations à s’en sortir seront probablement moindres, ce qui contribue à étouffer les aspirations des individus et à les enfermer dans le piège de la pauvreté. D’où la nécessité d’intégrer une analyse du comportement dans les politiques et les programmes, afin de pouvoir atteindre plus efficacement les laissés-pour-compte du processus de développement.
Action locale : le milieu de naissance et la position sociale des parents sont deux facteurs qui comptent dans la vie d’un individu. Pour briser le cercle vicieux de la pauvreté, il faut s’appuyer impérativement sur des mesures locales, depuis les régions jusqu’aux quartiers. Les pauvres ont tendance à vivre dans les zones les plus déshéritées, là où les écoles sont peu efficaces, les infrastructures délabrées, les services médiocres et peu disponibles, et les problèmes de criminalité plus importants qu’ailleurs — autant de facteurs qui pèsent sur les capacités d’apprentissage, de croissance et d’épanouissement d’un enfant.
Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté
La réalisation du double objectif visant à mettre fin à l’extrême pauvreté d’ici 2030 et à promouvoir une prospérité partagée partout dans le monde est toujours plus à notre portée. Nous y parviendrons, à deux conditions : concentrer nos ressources autour de trois axes clés — la promotion d’une croissance économique durable et solidaire, les investissements dans le capital humain et le renforcement de la résilience aux chocs — et être capables de mesurer les avancées. Chaque année, la célébration de la Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté est l’occasion pour la communauté internationale de se recentrer sur ces objectifs et, aux côtés des gouvernements et des citoyens, de la société civile, du secteur privé et des organisations internationales, de mobiliser toute l’aide nécessaire pour les atteindre.