- Le nouveau mémorandum économique consacré au Maroc propose une feuille de route ambitieuse, mais réaliste, pour permettre au Royaume d’exploiter ses atouts et devenir un pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure au cours des 25 prochaines années.
- Le Maroc doit notamment promouvoir une société plus ouverte et inclusive s’il veut accélérer sa croissance économique, créer davantage d’emplois et rattraper progressivement son retard de développement.
- La publication de la Banque mondiale entend également proposer des pistes de réflexion pour répondre à la question soulevée par le roi Mohammed VI lors de son Discours du trône en 2014 : comment faire en sorte que le capital immatériel devienne le « critère fondamental dans l’élaboration des politiques publiques afin que tous les Marocains puissent bénéficier des richesses de leur pays » ?
Tout a commencé en 2014, lorsque la Banque mondiale s’est saisie de la question du « capital immatériel », soulevée par le roi Mohammed VI dans son Discours du trône en juillet, pour mener une réflexion sur des aspects du développement qui sont peu visibles mais essentiels : la qualité des institutions, de l’éducation et de la formation, ainsi que des relations interpersonnelles au sein de la société. Le mémorandum économique que la Banque mondiale consacre au Maroc sous le titre Le Maroc à l’horizon 2040 : Investir dans le capital immatériel pour accélérer l’émergence économique tente de répondre à cet appel en pensant l’avenir du Maroc à l’horizon des vingt-cinq prochaines années.
Le rapport salue pour commencer les efforts accomplis par le Royaume au cours des quinze dernières années sur le plan de la lutte contre l’extrême pauvreté, de l’amélioration des conditions de vie de la population et de la poursuite de la diversification économique, avant de se pencher sur les principaux obstacles au développement du pays. Il propose ensuite une approche comportant trois grands axes afin de remédier à ces problèmes :
- Encourager un contrat social fondé sur la promotion d’une société ouverte ;
- Renforcer les institutions et les rendre plus inclusives pour assurer le bon fonctionnement à la fois de l’État et des marchés ;
- Développer le capital humain et social nécessaire pour prospérer au XXIe siècle.
Encourager un contrat social fondé sur la promotion d’une société ouverte
Le contrat social actuel entre la monarchie au pouvoir et la population est solide et profondément enraciné dans le tissu socioculturel du Royaume. Les diverses réformes constitutionnelles ont progressivement fait passer les Marocains du statut de sujets à celui de citoyens jouissant de tous leurs droits fondamentaux : droit de participation, droit d’expression, droit de vivre dans la dignité et le respect… Ce changement, réaffirmé dans la Constitution de 2011, est le signe indéniable d’une transition vers une société plus ouverte et responsable.
Cependant, pour passer de la parole aux actes, le pays doit s’attacher plus résolument à accroître les opportunités individuelles, à réduire les inégalités sociales, à promouvoir l’égalité des sexes et à faire évoluer les mentalités en encourageant la confiance interpersonnelle, le sens civique et l’engagement à servir le bien commun.
Le mémorandum souligne la nécessité de mettre en œuvre l’esprit et les principes de la nouvelle Constitution afin de bâtir une société plus ouverte et plus productive à moyen et long terme. En outre, au vu des évolutions en Europe de l’Est et en Europe centrale, il estime que les perspectives d’un accord de libre-échange complet et approfondi avec l’Union européenne pourraient irrévocablement changer les règles du jeu et accélérer la transition vers une société plus moderne et ouverte.
Renforcer les institutions et les rendre plus inclusives pour assurer le bon fonctionnement à la fois de l’État et des marchés
Toute stratégie de développement fructueuse repose sur une bonne gouvernance. En 2011, au Maroc, des milliers de personnes sont descendues dans la rue pour réclamer une meilleure gouvernance et davantage de transparence. Ces revendications ont fini par être entendues : un ensemble de principes constitutionnels transversaux a été défini dans l’optique de renforcer les institutions et, parallèlement, d’instaurer les conditions nécessaires à l’amélioration des services publics. Parallèlement, le Maroc a engagé un vaste processus de décentralisation afin de transférer aux régions et aux autorités locales davantage de pouvoirs, de prérogatives et de responsabilités. Désormais, ces échelons infranationaux sont donc, eux aussi, tenus de rendre des comptes aux citoyens.
Les auteurs du rapport appellent à repenser entièrement le modèle de gouvernance du Maroc pour que l’État central ne fournisse plus tous les services publics, ce qui devrait in fine améliorer la qualité des services dans des secteurs clés tels que l’administration, la santé et l’éducation : cette responsabilité doit être partagée avec les autorités locales, plus proches de la population.
En outre, le mémorandum recommande d’investir davantage dans les institutions et les services publics afin de renforcer l’état de droit et la justice en plaçant le citoyen-usager, en tant que bénéficiaire et régulateur, au cœur du système, en modernisant l’administration publique, en l’adaptant aux réalités du XXIe siècle et en améliorant la gestion des services publics.
Ces principes doivent également guider l’amélioration du fonctionnement des marchés et du climat des affaires. Il est essentiel d’ouvrir les marchés, de promouvoir une concurrence plus libre et plus loyale et de renforcer l’intégration dans l’économie mondiale pour permettre des gains de compétitivité à la fois à l’intérieur des frontières nationales et à l’international. Le Royaume déploie déjà une ambitieuse politique d’expansion économique en Afrique subsaharienne, mais, plus généralement, il devrait remédier au « biais anti-exportations » qui continue à caractériser les institutions et les politiques régissant les échanges extérieurs du pays. Cela passe par l’assouplissement du système de change, la libéralisation des contrôles sur les capitaux, l’abaissement des barrières tarifaires et non tarifaires, la facilitation du commerce et l’amélioration du régime d’investissement.
Développer le capital humain et social nécessaire pour prospérer au XXIe siècle
Le Maroc dispose du capital géographique, politique et culturel qui lui permettra de devenir l’une des économies les plus performantes du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord. Pour atteindre cet objectif, le pays doit impérativement développer son capital humain et social. La réforme de son système éducatif est d’ailleurs considérée comme une priorité absolue.
Étant donné tous ces facteurs, les auteurs préconisent pour le Maroc une « thérapie de choc », visant à provoquer un « miracle éducatif », c’est-à-dire une forte progression du niveau des élèves marocains, mesuré par des tests internationaux. Pour y parvenir, le Maroc doit opérer une refonte complète de son système éducatif, améliorer le recrutement et la formation des enseignants, adopter une nouvelle gouvernance pour l’école publique, développer une offre éducative alternative et promouvoir les compétences requises au XXIe siècle.
Le mémorandum recommande aussi de développer la prise en charge et l’éducation des jeunes enfants. En effet, tant du point de vue des droits fondamentaux que de l’égalité des chances et de l’efficience économique, il s’agit de l’investissement le plus pertinent qu’un pays puisse réaliser.
Le Maroc pourra saisir toutes les opportunités de développement qui s’offrent à lui s’il s’engage résolument sur la voie d’un avenir plus prospère et plein de promesses. Tous ses citoyens et toutes ses institutions doivent participer activement, et de manière concertée, à cet effort, mais, au bout du compte, c’est l’amélioration tangible du capital immatériel qui sera l’élément le plus déterminant.