Maroc: la croissance au ralenti

Date:

Entre les difficultés rencontrées par les pays européens et une mauvaise campagne agricole, les vents contraires sont nombreux. De fait, la croissance économique ralentit en 2019 pour la deuxième année consécutive. Néanmoins, la demande interne reste robuste, soutenue notamment par la faiblesse de l’inflation et une politique monétaire accommodante. Les autorités tablent aussi sur d’importantes recettes de privatisation pour infléchir leur politique budgétaire sans détériorer la dynamique de la dette publique. Surtout, le développement continu de la filière automobile laisse entrevoir un rebond de la croissance en 2020 tandis que la baisse de la facture pétrolière devrait se traduire par une résorption du déficit courant.

La croissance décélère mais reste robuste
Le ralentissement se poursuit. La croissance économique est tombée à 3% en 2018 contre 4,2% en 2017 et, selon les derniers chiffres publiés par le HCP, elle atteindra au mieux 2,7% cette année. Entre les difficultés en Europe et une mauvaise campagne agricole, les nuages sur l’économie marocaine sont nombreux. Pour autant, le panorama est bien plus nuancé qu’il n’y parait et laisse même présager un rebond de l’activité à partir de 2020. De fait, la décélération de la croissance observée sur les six premiers mois de l’année résulte avant tout de la contraction de 3% de la valeur ajoutée agricole dont le poids dans le PIB est prépondérant (11%). Pour le reste, les signaux sont plutôt encourageants. La croissance hors agriculture s’est aussi essoufflée au T2 (3,2% en g.a.) par rapport au T1 (3,6%), mais elle reste soutenue par rapport à une moyenne de 2,9% entre 2016 et 2018. Que ce soit le tourisme ou l’industrie manufacturière, la plupart des secteurs sensibles à la conjoncture européenne affichent une bonne résistance jusqu’à présent. En outre, deux nouveaux projets structurants viennent d’être finalisés, à savoir l’extension du port de Tanger et le démarrage de l’usine de Peugeot à Kénitra. Avec une montée en puissance attendue pour 2020, l’augmentation de la production automobile devrait ainsi donner une nouvelle impulsion à une filière devenue stratégique mais qui commençait à marquer le pas. Les exportations d’automobiles n’ont progressé que de 2,2% depuis le début de l’année après avoir plus que doublé entre 2013 et 2018.

La robustesse de la demande intérieure sera aussi un élément de support. En particulier, la consommation des ménages est bien orientée (+3,8% en g.a sur les six premiers mois) et devrait le rester grâce à une inflation extrêmement basse, inférieure à 1% depuis la fin 2018, et aux effets à venir de la revalorisation de 10% du salaire minimum dans le secteur privé. Les faibles pressions inflationnistes offrent également des marges de manœuvre à la banque centrale. Avec un taux directeur à seulement 2,25% et un taux de réserve obligatoire qui vient d’être réduit à 2%, la politique monétaire est déjà accommodante. Le statu quo devrait perdurer même si le fait que le taux d’intérêt réel demeure positif à 1,5% laisse la place à une nouvelle baisse de taux si nécessaire. Dans tous les cas, les conditions financières resteront favorables pour les ménages et les entreprises. Le taux moyen pondéré sur les prêts à l’économie a touché un point bas à 4,98% au T2. L’exécution budgétaire sur les huit premiers mois de l’année traduit également la volonté des autorités de soutenir l’économie.

Avec une progression du PIB hors agriculture à 3,4% et sous réserve d’une normalisation de la production agricole, la croissance économique pourrait atteindre 3,5% en 2020. L’économie marocaine serait alors une des plus performantes de la région. Certes, cela sera insuffisant au regard des besoins de développement du pays. A 8,5%, le taux de chômage reste élevé, tout comme la proportion de la population en dehors du marché du travail (le taux d’emploi est de seulement 42%). Néanmoins, l’économie a continué de créer des emplois au premier semestre 2019 malgré la destruction massive de postes dans le secteur de l’agriculture, soulignant une fois de plus la solidité de ses performances face à un environnement international qui se dégrade.

Consolidation budgétaire ralentie
Après l’important dérapage affiché en 2018, les finances publiques se sont encore détériorées en 2019. De janvier à août, tous les principaux postes du budget sont en hausse, les dépenses de fonctionnement (+5,5%) comme d’équipement (+4,9%). Malgré la relative bonne tenue des recettes fiscales hors privatisations (+3,4%), le déficit budgétaire s’est de nouveau creusé. Il devrait ainsi atteindre 4% du PIB en 2019 contre 3,7% en 2018 (la cible initiale était de 3%) avant de se résorber graduellement à partir de 2020.

Malgré l’inflexion prise par le gouvernement dans son programme de consolidation des finances publiques, la situation est dans l’ensemble sous contrôle. Que ce soit du côté des recettes ou des dépenses, les principaux facteurs de risque à l’origine de la contreperformance de 2018 se sont en effet dissipés. Le montant attendu de dons en provenance du Golfe est modeste et les autorités se sont couvertes contre la volatilité des cours du pétrole dont l’envolée l’an dernier avait généré un dépassement de 26% de l’enveloppe allouée aux subventions dans le budget. Un recours accru à des partenariats public-privé pour alléger la pression sur les comptes publics est aussi envisagé. Les investissements publics constituent le deuxième poste de dépenses derrière les salaires de
la fonction publique et ils sont élevés (autour de 6% du PIB). Surtout, les autorités tablent sur des recettes de privatisations de l’ordre de 0,4% de PIB par an jusqu’en 2021 afin de stabiliser la dette du gouvernement à 65% du PIB. Avec la cession, en juillet dernier, d’une partie des titres que détient l’Etat au capital de Maroc Télécom, l’objectif est déjà rempli pour 2019, et d’autres opérations ont été identifiées.

Quoi qu’il en soit l’endettement du gouvernement ne nous apparaît pas comme une source importante de risque. Contrairement à de nombreux pays émergents, le Maroc a peu sollicité les marchés financiers internationaux. Deux émissions d’eurobonds sont attendues à court terme. Avec une prime de risque de 150 points de base, elles devraient se dérouler dans de bonnes conditions.

D’autant que l’agence de rating Standard & Poors vient de relever sa perspective de négatif à stable sur son appréciation du risque souverain du Maroc. En outre, le profil de la dette, dont 80% est libellé en monnaie locale, ne changera pas fondamentalement et les conditions de financement du gouvernement en termes de taux et de maturité ont rarement été aussi avantageuses. Avec un coût apparent de la dette à seulement 4%, le gouvernement conserve des marges de manœuvre confortables.

Position extérieure solide
La dégradation de la conjoncture européenne pourrait peser sur la dynamique des comptes extérieurs du Royaume sans pour autant menacer sa stabilité. Hormis les transferts financiers de la diaspora marocaine (-1,3% en g.a.), les principales sources de devises étaient encore en progression sur les huit premiers mois de l’année (exportations : +3,7% ; recettes touristiques : +4,5%). Si la hausse des importations d’une amplitude similaire s’est traduite par un léger creusement du déficit commercial, la situation pourrait s’améliorer dans les prochains mois grâce à une accélération des ventes d’automobiles. Ces dernières comptent déjà pour ¼ des exportations marocaines. Dans un environnement extérieur instable, et alors que le poids des matières premières dans les échanges
reste important (phosphates), la montée en gamme des exportations renforce la résilience de l’économie. Les pressions baissières sur les cours du pétrole (15-20% des importations) pourraient également aider à l’amélioration des comptes externes.

Avec un déficit courant attendu à 5,1% du PIB en 2019 et 4,1% en 2020 contre 5,5% en 2018, le Maroc ne devrait pas avoir trop de difficultés à couvrir ses besoins de financements. Les flux nets d’investissements étrangers (IDE) sont robustes, autour de 1,5-2,5% du PIB, et le niveau de la dette extérieure est modéré, à 44% du PIB. Les amortisseurs sont également adéquats. Les réserves de change couvrent plus de cinq mois d’importations de biens et services et le Maroc bénéficie d’une ligne de précaution du FMI d’un montant de USD 3 mds jusqu’à fin 2020 pour se prémunir d’éventuels chocs sur sa balance des paiements. A l’image des précédents programmes, les autorités ne devraient pas utiliser ces fonds.

Dernier élément, depuis l’élargissement en janvier 2018 de la bande de fluctuation du dirham à +/-2,5% autour de son cours pivot (+/- 0,3% précédemment), la banque centrale n’intervient quasiment plus sur le marché des changes, ce qui réduit la pression sur la liquidité extérieure. La volatilité du dirham est demeurée extrêmement limitée et devrait le rester alors que les autorités se montrent toujours aussi prudentes dans le processus de flexibilisation du régime de change.

Partager l'article:

Articles Recents

S'abonner

VIDÉOS SPONSORISÉES
VIDÉOS SPONSORISÉES

00:00:30

OPPO Reno12 : L’Alliance Parfaite entre Design, Intelligence Artificielle et Performance

Les séries Reno12 d'OPPO marquent une avancée significative dans le domaine de la photographie mobile grâce à l'intégration poussée de l'intelligence artificielle.
00:02:15

Abdelaziz Makhloufi, PDG de Cho Group, met en lumière l’excellence de l’huile d’olive tunisienne sur BFM Business

Fort de son expertise reconnue dans le secteur oléicole, Abdelaziz Makhloufi, Président-directeur général du groupe Cho, a saisi l'opportunité de l'émission BFM Business pour promouvoir l'huile d'olive tunisienne à l'échelle internationale.
00:00:32

Lancement du nouveau Huawei Nova Y61

Huawei Consumer Business Group annonce le lancement du HUAWEI nova Y61, le plus récent smartphone de la série HUAWEI nova Y.

CONTENUS SPONSORISÉS
CONTENUS SPONSORISÉS

Ramadan : Un Mois Propice pour rompre avec la cigarette

Le mois sacré de Ramadan offre une opportunité unique pour ceux qui désirent se libérer de l'emprise de la cigarette.

OPPO A78, le nouveau smartphone bientôt en Tunisie

OPPO, la marque leader sur le marché mondial des appareils connectés, vient d’annoncer l’arrivée sur le marché tunisien de son dernier smartphone A78, à partir du 1er septembre 2023.
00:03:27

OPPO Tunisie lance les nouveaux smartphones Reno8 T 4G, Reno8 T 5G, un design élégant et une fluidité totale

OPPO vient d’annoncer le lancement, en Tunisie, de ses derniers modèles de smartphones de la série Reno, les nouveaux Reno8 T et Reno8 T 5G, avec une offre spéciale durant tout le mois de mars 2023.

Oppo consolide sa position et met en avant la nouvelle technologie de son Reno7

OPPO, la marque internationale leader dans l’industrie des smartphones et des objets connectés, a développé ces dernières années sa position et ses activités en Tunisie, dans le cadre d’une extension sur les marchés de la région Moyen Orient et Afrique.

A lire également
A lire également

Renforcement des Relations Franco-Marocaines : 10 Milliards d’Euros de Contrats en Vue

Le renouveau des relations franco-marocaines se concrétise avec plus de 10 milliards d'euros de contrats. Focus sur les partenariats stratégiques dans les secteurs du transport, des énergies vertes et de l'aéronautique, renforçant le rôle du Maroc comme porte d'entrée vers l'Afrique.

ZLECAf Morocco 2024 : Un tournant pour le commerce intra-africain

Découvrez les opportunités offertes par la ZLECAf lors du Forum d'Affaires ZLECAf Morocco 2024. Rencontrez des experts et des décideurs pour développer votre activité en Afrique. Inscrivez-vous dès maintenant !

Mastercard et Naps s’associent pour promouvoir l’innovation dans le paysage des paiements et du digital au Maroc

Mastercard et NAPS, fintech marocaine de premier plan, ont signé un partenariat de long terme visant à développer des solutions de paiement innovantes pour les particuliers et les entreprises. Ce partenariat consolide la forte relation historique entre les deux partenaires.

Kristalina Georgieva – 7ème forum fiscal arabe: « Seule la coopération multilatérale peut permettre de rétablir la viabilité de la dette dans certains pays de...

La directrice du Fonds monétaire international (FMI), Kristalina Georgieva a affirmé dimanche, à Dubaï, que l'un des enjeux les plus urgents pour la région MENA, consiste à identifier les moyens de "renforcer la résilience des finances publiques pour protéger les populations, les économies et le climat".

Alliance Assurances : 10 millions dollars pour une start-up qui vaut 30 millions dollars en 2020/2023

Alliance Assurances est une véritable compagnie dont l’action s’inscrit dans la durée afin d’aider des micros-entreprises à se développer. Il s’agit de quoi, en fait ? Une start-up !

Algérie : Les réserves de change dépassent les 60 milliards USD

La valeur des réserves de change algériennes a dépassé les 60 milliards de dollars, a fait savoir, lundi à Alger, le Gouverneur de la Banque d'Algérie (BA), Salah Eddine Taleb.

Algérie: Vers l’adoption du dinar numérique

Le Premier Ministre, M. Aïmene Benabderrahmane, a affirmé lundi à Alger que la Banque d'Algérie compte adopter une monnaie numérique nationale sous le nom de "dinar numérique algérien" dans le cadre de la numérisation des paiements.