Chaque année, des milliers de jeunes marocains tentent d’entrer sur le marché du travail mais se heurtent à des difficultés insurmontables. Le Mémorandum économique de la Banque mondiale sur le Maroc (CEM), publié en 2017 et intitulé Le Maroc à l’horizon 2040 : investir dans le capital immatériel pour accélérer l’émergence économique, dressait le portrait de quatre jeunes gens, Amine, Nisrine, Kawtar et Reda, aux parcours personnels et éducatifs différents. Pour ces quatre-là, la recherche d’emploi allait d’une quête désespérée face à des perspectives restreintes à une démarche laissant la possibilité d’opérer un choix parmi de nombreuses offres. La diversité de leurs expériences illustre bien la nature pluridimensionnelle des disparités sociales dans le pays, qui peuvent être d’ordre géographique, économique, liées au genre ou à la qualité de la scolarité.
Le nouveau Projet sur le capital humain de la Banque mondiale, qui a élaboré un indice permettant de classer les pays en fonction de leurs performances sur le plan du capital humain, a révélé le potentiel inexploité de la population marocaine. Les autorités ont bien conscience de l’ampleur du défi pour renforcer le capital humain et de la nécessité de faire du royaume une économie de premier plan. D’innombrables programmes de formation et d’employabilité ont été lancés, mais leur fragmentation et la déconnexion entre les attentes du marché du travail et le vivier de compétences disponibles ont constitué un obstacle pour l’exploitation de l’immense potentiel de la jeunesse marocaine.
La Banque mondiale souligne depuis longtemps le rôle de frein à la croissance que joue l’inactivité des jeunes. Dans son rapport de 2012 intitulé Royaume du Maroc : promouvoir les opportunités et la participation des jeunes, l’institution insistait sur l’introduction indispensable de programmes adaptés aux profils des jeunes NEET (ne sont ni au travail, ni à l’école, ni en formation), lesquels constituent un tiers de la jeunesse marocaine. L’étude avait constaté que la quête d’un emploi est particulièrement éprouvante pour les moins qualifiés et encore plus pour les femmes, qu’elles aient ou non des qualifications. Pourtant, les programmes gouvernementaux pour l’employabilité des jeunes concernent surtout les jeunes diplômés et ne sont pas adaptés aux besoins des femmes ou des jeunes peu qualifiés.
S’appuyant sur l’expérience de son précédent projet de Renforcement du micro-entrepreneuriat pour les jeunes défavorisés, qui avait permis de recueillir de précieux enseignements sur les conditions à réunir pour déployer avec succès un programme d’emploi pour les jeunes, la Banque mondiale et le gouvernement du Maroc viennent de lancer une nouvelle opération, le Projet de soutien à l’inclusion économique des jeunes, s’adressant aux jeunes gens de la région de Marrakech-Safi. Ce programme fait appel à un cadre institutionnel novateur et une approche opérationnelle pragmatique pour offrir un soutien intégré aux bénéficiaires et améliorer leur employabilité, en impliquant les autorités centrales et locales dans son déploiement.
Conformément au volet « participation citoyenne » du nouveau Cadre de partenariat avec le Maroc, les bénéficiaires du projet seront au cœur de la mise en œuvre réussie du projet. Ils seront associés au suivi et à l’évaluation de chacun des volets du projet afin de permettre des rétroactions périodiques sur la manière d’améliorer au mieux les programmes de soutien.
Le projet sera lancé à titre pilote dans la région de Marrakech-Safi puis, dans une phase ultérieure, déployé sur l’ensemble du territoire national. Les objectifs poursuivis sont triples :
- proposer des services d’orientation professionnelle et de formation aux jeunes gens peu qualifiés dans la région de Marrakech-Safi, à travers des espaces emploi jeunes (EEJ) dédiés qui seront créés dans les sept provinces de la région et dans la préfecture de Marrakech. Gérés par l’Agence nationale de promotion de l’emploi et des compétences (ANAPEC), ces centres proposeront des services d’adéquation professionnelle et de formation aux profils de niveau technicien afin de répondre aux attentes des employeurs;
- développer l’écosystème entrepreneurial pour les entrepreneurs en herbe, en leur offrant des services d’orientation mais également une assistance technique et financière pour lancer leur entreprise dans des secteurs concurrentiels. Cet écosystème reposera sur un réseau de centres pour l’entrepreneuriat, rattachés au Centre régional d’investissement (CRI) et à l’affût des demandes du marché régional du travail, qui seront chargés d’identifier les débouchés et les chaînes de valeur à fort potentiel de croissance. Il sera complété par un programme de soutien technique et financier aux jeunes entrepreneurs, assuré par l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH) et destiné aux jeunes porteurs de projets commercialement viables ;
- renforcer les capacités des autorités régionales à bâtir des synergies et améliorer les programmes locaux d’inclusion des jeunes. Il s’agit de faire émerger des meilleures pratiques dans le but de les inscrire durablement dans les programmes de développement de la région attachant une importance particulière à la promotion de l’inclusion de la jeunesse et au soutien à l’essor des entreprises privées locales.
Vers une approche novatrice de l’inclusion des jeunes
Le projet entend insuffler une nouvelle dynamique dans le domaine de l’inclusion des jeunes. Plutôt que de laisser chaque ministère et chaque secteur travailler en silos et de manière déconnectée pour développer les compétences, promouvoir l’intermédiation professionnelle et répondre aux attentes du marché du travail, ce nouveau programme veut créer de nouvelles synergies entre parties prenantes, y compris les ministères et les organes publics concernés, les organisations non gouvernementales locales qui s’intéressent aux préoccupations des jeunes, et le secteur privé. Le nouveau programme repose sur l’idée que les investissements dans le développement des compétences doivent s’attacher davantage aux attentes du secteur privé et mieux soutenir la formation continue tout en intégrant les jeunes peu qualifiés et marginalisés dans la vie économique locale. Autre axe privilégié : la participation économique des femmes, qui reste particulièrement préoccupante au Maroc et agit comme un véritable frein au développement : avec moins de 25 % des femmes participant activement au marché du travail, des mesures ciblées d’intégration doivent être adoptées pour favoriser leur autonomisation et leur permettre de réaliser leur incroyable potentiel économique et professionnel, encore inexploité.