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Arabie Saoudite : La croissance économique devrait atteindre 7,4% en 2022, grâce principalement à l’augmentation de la production pétrolière

La reprise économique devrait être soutenue en 2022 grâce à la forte hausse de la production d’hydrocarbures décidée par l’OPEP+ et à l’accélération de la consommation des ménages. La conjoncture pétrolière est favorable aux finances publiques. Pourtant, le gouvernement devrait poursuivre sa politique de consolidation et de diversification de ses revenus. Celle-ci a déjà permis une réduction significative du prix d’équilibre du budget, et donc une moindre exposition à la volatilité des marchés pétroliers. Parallèlement à cette dynamique positive, des tensions sont apparues sur le marché interbancaire et ont nécessité l’injection de liquidité de la part de la banque centrale. Avec le gonflement du crédit bancaire et une gestion moins pro-cyclique des excédents budgétaires, les banques ont dû recourir à des ressources extérieures et réduire leur actif extérieur net afin de financer
leur activité.

FORT REBOND DE L’ACTIVITÉ
La croissance économique devrait atteindre 7,4% en 2022, grâce principalement à l’augmentation de la production pétrolière. Après une année de quasi stabilité en 2021 (+0,2%), la hausse graduelle des quotas de production décidée par l’OPEP+ (pays membres de l’OPEP et Russie) devrait faire rebondir le PIB pétrolier (environ 40% du PIB total) de 14% en 2022. Cette hausse de la production d’hydrocarbures est par ailleurs soutenue par la nécessité de compenser au moins partiellement la réduction de la production russe. En tant que producteur disposant de l’essentiel des capacités de production inutilisées au sein du cartel, l’Arabie saoudite est le principal contributeur à la hausse des quotas de production.

Le PIB non pétrolier devrait croître d’environ 3,7% en 2022, soutenu essentiellement par la consommation des ménages. Celle-ci bénéficie à la fois de l’amélioration du marché du travail et de la modération des pressions inflationnistes. Le taux de chômage est en baisse régulière depuis 2020 et a atteint 10,1% de la population active en T1 2022. La hausse de l’emploi des femmes est significative depuis la mise en place de politiques favorisant leur embauche. Leur taux de participation au marché de l’emploi est ainsi passé de 19% en 2017 à 36% en 2021. Par ailleurs, la fin des restrictions aux déplacements liées à la pandémie de Covid-19 et la reprise économique dans les secteurs hors pétrole devraient encourager le retour des expatriés (dont le nombre avait baissé de 4,6% en 2021). La progression du crédit aux ménages (+17% a/a en décembre 2021) soutient également la consommation privée.

Le rôle des dépenses publiques dans la croissance évolue. Le gouvernement souhaite réduire leur caractère très pro-cyclique, qui a eu tendance à favoriser la surchauffe de l’économie durant les périodes de revenus pétroliers élevés. Ainsi, malgré la bonne conjoncture pétrolière, et donc des revenus budgétaires en hausse, les dépenses budgétaires ne devraient progresser que modérément.

D’un point de vue sectoriel, les services (notamment les loisirs au sens large) et la construction devraient soutenir l’activité, favorisés par le programme de développement « Vision 2030 » qui vise à diversifier l’économie et à développer les infrastructures. En 2023, la croissance devrait atteindre 3.3% étant donné la faible progression de la production pétrolière (+2.2%). La croissance hors hydrocarbures devrait se renforcer et atteindre 4,1%.

INFLATION MODÉRÉE
À l’instar de la majorité des pays du Golfe, les pressions inflationnistes devraient rester modérées en 2022. L’inflation des prix à la consommation s’est stabilisée à 2,2% en rythme annuel en mai 2022. Les prix alimentaires sont le principal moteur de l’inflation (+4,6% en mai), tandis que les prix de l’énergie sont quasiment stables (+0,15%) grâce au maintien de subventions gouvernementales. En juin 2021, le gouvernement a introduit une limite à la hausse des prix de l’essence et compense tout effet de la hausse des cours mondiaux du pétrole survenue depuis lors (le prix du Brent a augmenté de 45% environ pendant cette période). Les loyers (21% de l’indice des prix) sont en hausse depuis mars, mais de manière très modérée (+0,5% en mai). Plus générale ment, l’appréciation du dollar US (auquel le rial est ancré) par rapport aux principales devises mondiales est un facteur important de modération de l’inflation.

RETOUR DES EXCÉDENTS ET RÉFORMES BUDGÉTAIRES
En 2022, les finances publiques saoudiennes devraient enregistrer leur premier excédent depuis 2013. Les changements sur le marché mondial du pétrole entre 2015 et 2019, puis les conséquences de la pandémie sur l’activité en 2020, ont pesé lourdement sur les revenus budgétaires pétroliers. Le déficit budgétaire a atteint en moyenne 9,9% du PIB entre 2015 et 2020. Après un budget quasiment à l’équilibre en 2021, la hausse des revenus pétroliers devrait entraîner un excédent de 10,8% du PIB en 2022. En supposant le maintien des prix élevés du pétrole en 2023, l’excédent devrait atteindre 8,5% du PIB.

La difficile période 2015-2020 a eu des conséquences positives sur les finances publiques en obligeant le gouvernement à prendre des mesures de consolidation et de diversification des revenus. L’introduction de la TVA en 2018 et la hausse à 15% de son taux en 2020 sont les principales mesures de diversification. Ainsi, la part des taxes sur les biens et services est passée de 7% des revenus budgétaires totaux en 2017 à 26% en 2021. Par ailleurs, la discipline budgétaire s’est sensiblement renforcée avec la mise en place d’un plan de maîtrise des dépenses publiques à moyen terme. Ainsi, les dépenses du gouvernement devraient être équivalentes à environ 32% du PIB durant la période 2021-23 contre 37% en moyenne entre 2015 et 2020. Les dépenses courantes devraient légèrement augmenter, tandis que les dépenses d’investissement devraient continuer de décliner. Dans ce domaine, la volonté du gouvernement est de transférer une partie des investissements vers le fonds souverain PIF, ainsi que de développer les partenariats avec le secteur privé. Cet ensemble de facteurs se traduit par une forte baisse du prix du baril de pétrole qui permet d’équilibrer le budget. Celui-ci est passé de 91USD/baril en moyenne en 2014-18 à 63 USD/baril attendu en 2022. Dans ce contexte, les performances budgétaires devraient être moins exposées à la volatilité du marché pétrolier, même si la dépendance budgétaire aux revenus pétroliers restera importante à moyen terme.

Avec le retour des excédents budgétaires, la dette du gouvernement devrait se réduire. Toutefois, en raison d’une gestion active de la dette, la réduction sera plus lente que ne le laissent supposer les excédents budgétaires attendus. Après un maximum de 32% du PIB atteint en 2020, la dette du gouvernement devrait atteindre 24% du PIB en 2023. Même en situation d’excédent budgétaire, le gouvernement continue d’émettre de la dette afin d’en optimiser le profil, d’en allonger la maturité moyenne (déjà passée de 7,9 à 9,5 ans entre 2018 et 2021) et d’en réduire le coût (de 2,91% à 2,77% entre 2018 et 2021). La solvabilité du gouvernement s’améliore donc, même si ses actifs nets restent relativement modestes. Les avoirs gouvernementaux détenus par la banque centrale (a priori les plus liquides) étaient équivalents à 18% du PIB en 2021, tandis que les actifs détenus par le fonds souverain PIF étaient estimés à environ 55% du PIB en 2021.

TENSIONS SUR LA LIQUIDITÉ INTÉRIEURE
Paradoxalement, des tensions sur la liquidité interbancaire sont apparues depuis le début de l’année malgré l’augmentation des revenus pétroliers (qui sont traditionnellement associés à une liquidité accrue dans l’économie). Le taux d’intérêt interbancaire (SAIBOR) a fortement augmenté depuis le début de l’année (de 0,9% jusqu’à un maximum de 3,3% fin juin) et a atteint son plus haut niveau depuis la crise financière de 2008. Par ailleurs, le ratio de la liquidé bancaire excédentaire placée à la banque centrale (titres et contrats REPO), en pourcentage de la masse monétaire (M2), est actuellement à un plus bas historique (1,9% en mai contre 5,8% en moyenne en 2021). Afin de réduire les tensions sur la liquidité, la banque centrale a injecté USD 13 mds (2,2% des dépôts bancaires totaux) en dépôts à terme dans le système bancaire en juin 2022.

La principale cause de ces tensions est le découplage, depuis mars 2020, entre la hausse du crédit au secteur privé (+14,4% en moyenne) et celle des dépôts (+9,4% en moyenne). Mécaniquement, si les banques ne se procurent pas d’autres ressources (en émettant des titres sur le marché local par exemple), cet écart entraînera une détérioration de la position extérieure nette des banques qui devront se procurer des ressources à l’extérieur pour répondre à la demande de crédit. Les créances nettes des banques sur l’extérieur ont atteint USD 8,9 mds en mai 2022 contre USD 30 mds mi-2020. La hausse du crédit est particulièrement forte pour le crédit à la consommation (+17% en g.a. en 2021) et le crédit à l’immobilier, qui représente 29% du crédit au secteur privé (+28% en T1 2022).

Par ailleurs, le changement de gestion de l’excédent budgétaire par le gouvernement pourrait amplifier cette déconnexion entre emplois et ressources bancaires au niveau national. Afin de limiter les effets de surchauffe causés par l’injection de liquidités liée aux revenus pétroliers, les excédents de trésorerie seront logés dans un compte courant du gouvernement à la banque centrale, alors qu’une partie était auparavant déposée dans des banques. Pour le moment, les effets de cette politique ne sont pas visibles, et la part des dépôts du gouvernement dans les dépôts bancaires totaux est restée stable (26% en mai 2022). À moyen terme, cette politique devrait contribuer à réduire la dépendance de l’activité économique vis-à-vis de la conjoncture pétrolière.

À court terme, cependant, si cela entraîne un ralentissement du crédit au secteur privé par manque de ressources locales et par volonté de ne pas déséquilibrer la position extérieure nette des banques, cela pourrait constituer un frein à la croissance du PIB hors hydrocarbures.