L’activité économique tourne au ralenti depuis maintenant trois ans. La production pétrolière est contrainte par la politique restrictive de l’OPEP+. La croissance du PIB non-pétrolier pâtit du manque de dynamisme de la fréquentation touristique qui affecte la demande intérieure, notamment à Dubaï. A court terme, dans un contexte de ralentissement du commerce mondial, seules les réalisations en cours en préparation de l’Exposition Universelle de 2020 soutiennent l’activité. Dans ce contexte, les prix à la consommation évoluent négativement, tirés à la baisse par la déprime persistante de l’immobilier. La politique budgétaire reste prudente et offre peu de soutien à la croissance.
Le faible rebond de l’activité en 2018 (+1,7% par rapport à +0,5% en 2017) a confirmé l’atonie de l’économie des émirats. L’ensemble des composantes de la demande intérieure (consommation et investissement) était en repli. La faible progression de la croissance n’a été permise que par la baisse des importations et la légère hausse des exportations dans un contexte de hausse de la production d’hydrocarbures. Cette année, avec la poursuite de la politique restrictive de l’OPEP+ 1 et en l’absence de signes de reprise de l’économie hors pétrole, les perspectives restent moroses.
Contraintes sur la croissance du PIB pétrolier
Dans un contexte de ralentissement de la croissance mondiale et de dynamisme de la production pétrolière américaine, la politique de l’OPEP devrait rester restrictive dans les prochains trimestres. Au début du mois de juillet, le groupe des pays OPEP+ a décidé de reconduire les niveaux de production décidés à la fin de 2018. Ainsi la production pétrolière des émirats devrait rester inchangée au cours de l’année 2019 à environ 3,05 millions de barils par jour (mb/j). En moyenne, cela représente une augmentation de 2,4% de la production par rapport à 2018.
Pour 2020, notre scénario central est celui d’une stabilité du PIB pétrolier émirati (équivalent à environ 30% du PIB total). L’offre mondiale devrait continuer d’être influencée par la production américaine, ce qui ne devrait pas inciter les pays de l’OPEP+ à revoir significativement leur politique contraignante. En dehors des facteurs liés au marché du pétrole, le principal risque pesant sur le PIB pétrolier est d’ordre géopolitique. La montée des tensions dans le détroit d’Hormuz depuis le début de l’année s’est traduite par des attaques de faible intensité sur des moyens de transport maritimes. Ces incidents ont mis en évidence la vulnérabilité des débouchés de la production pétrolière des EAU. Celle-ci est essentiellement localisée à Abu Dhabi (96% de la production totale) et emprunte le détroit d’Hormuz pour sa commercialisation. En cas de blocage, le pipeline entre Abu Dhabi et le port de Fujairah permet de transporter 50% de cette production. Ces deux alternatives de transport des produits pétroliers ont été touchés par des attaques ayant causé de faibles dommages. Même si un blocage complet des circuits d’acheminement est peu probable, le risque de blocage temporaire a augmenté.
A moyen terme, sous réserve d’un changement de la politique de l’OPEP, les objectifs de la compagnie nationale pétrolière ADNOC sont ambitieux : atteindre une production quotidienne de 5 mb/j d’ici 2030, développer l’industrie pétrochimique et accroître en parallèle la production de gaz pour atteindre l’autosuffisance.
Perspectives du hors-pétrole en demi-teinte
La croissance du secteur non-pétrolier a connu un record de faiblesse en 2018 à 1,3%, soit son niveau le plus bas depuis la crise de 2009. Ce ralentissement est notamment dû à un environnement régional peu porteur, aux conséquences de l’introduction de la TVA sur la consommation, aux effets indirects négatifs de l’embargo sur le Qatar ou encore à l’appréciation du dollar qui a pu agir défavorablement sur le tourisme. A court terme les perspectives restent incertaines et les signaux sont contradictoires.
En juin 2019 l’indice PMI a atteint 57,7, confirmant sa progression depuis le début de l’année. En dehors de cet indicateur, d’autres signaux d’activité restent orientés négativement, notamment à Dubaï qui est de loin l’économie la plus diversifiée de la fédération. La fréquentation de l’aéroport de Dubaï décélère de façon continue depuis 2016. En T1 2019, la croissance annuelle était quasi nulle (+0,2%). Cette forte réduction de la croissance du secteur touristique confirme une tendance observée depuis 2016. On constate par ailleurs une baisse significative des dépenses des visiteurs. Selon la banque centrale le revenu par nuitée a baissé de 7,6% en 2018. Cela se traduit par une faible activité du commerce de détail. Celui-ci est le secteur économique le plus important (12%) des émirats après les activités extractives (30%), et a connu une très faible progression de son activité ces deux dernières années (respectivement +0,1% et +0,5%).
L’activité du secteur de la construction reste orientée positivement, notamment avec l’achèvement des chantiers prévus pour l’exposition universelle de 2020. Cela devrait être le principal facteur de soutien à l’activité en 2019. Le crédit au secteur de la construction reste l’élément le plus dynamique des prêts bancaire au secteur privé (+8% en g.a. en mars 2019). Cependant en dehors des projets liés à l’expo 2020, le secteur immobilier connaît une période de baisse des prix continue depuis 2016 en raison d’un excédent d’offre persistant.
En parallèle, des facteurs externes devraient peser négativement sur l’activité à court terme. Les émirats sont une base logistique importante dans le commerce régional (essentiellement en direction de l’Asie et du Moyen Orient). Les activités de réexportation concourent pour environ 60% du total des exportations non pétrolières. Même si la guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis n’aura pas de conséquences directes sur l’activité aux émirats, la baisse des échanges commerciaux au niveau mondial réduira l’activité logistique aux émirats. En volume, le commerce mondial n’a progressé que de 0,5% en moyenne mensuelle en T1 2019 contre +3,6% en T1 2018. La hausse des tensions politiques dans la région est un autre élément qui continuera de peser sur la croissance. La dépendance de l’économie de Dubaï au secteur des services et aux investissements étrangers, notamment dans l’immobilier, la rend particulièrement vulnérable à la détérioration de l’environnement politique régional.
Soutien limité de la politique économique
Dans ce contexte économique morose, les mesures de politique économique ne seront pas des facteurs de soutien significatifs. Le budget 2019 devrait être un soutien à la croissance mais cela ne se traduit pas par un effort de relance important. Les principales mesures gouvernementales concernent l’amélioration de l’environnement des affaires, notamment vers les investisseurs étrangers. Du côté de la politique monétaire, la croissance du crédit bancaire pourrait bénéficier d’une baisse des taux d’intérêt de la banque centrale. Etant donné l’ancrage du dirham au dollar américain, la légère baisse attendue des taux américains en 2019 devraient réduire les coûts de financement.
Environnement déflationniste
La faiblesse de l’activité des secteurs hors-pétrole et la déprime du marché de l’immobilier se traduisent par des pressions déflationnistes. L’inflation encore positive en 2018 (+3%) était principalement due à l’introduction de la TVA en début d’année. Pour 2019, nous prévoyons une baisse de l’indice d’ensemble des prix à la consommation d’environ 1,8% en moyenne annuelle. La composante « logement et énergie » participe pour un tiers à la composition de l’indice des prix, et était en recul de 4,5% en avril 2019 (en g.a.). De même, les prix des transports et de l’alimentation sont orientés à la baisse depuis le début de l’année. Le repli des prix de l’immobilier devrait continuer de peser sur l’indice d’ensemble au moins jusqu’à la fin de l’année.
Il est difficile de déterminer si la faiblesse de l’activité économique aux émirats est plutôt liée à des éléments structurels (baisse de l’attractivité pour les touristes et les investisseurs) ou plus conjoncturels (ralentissement économique dans le Golfe, tensions géopolitiques). Il semble qu’une certaine normalisation de la croissance soit en cours, notamment à Dubaï. Cette situation pourrait peser sur la qualité des actifs bancaires, notamment en raison de leur exposition aux secteurs de la construction et de l’immobilier (25% des crédits au secteur privé). Par ailleurs, une croissance durablement plus faible devrait peser sur les performances des conglomérats quasi-publics, très actifs dans ce secteur et fortement endettés.
Néanmoins, l’économie des émirats continue de bénéficier de fondamentaux solides, tant au niveau des finances publiques que des comptes extérieurs. Les mouvements récents de consolidation à différents niveaux (banques, fonds souverains) et une politique économique prudente renforcent les perspectives de moyen terme.