La croissance du PIB réel restera faible cette année en raison de la réduction attendue de la production pétrolière. Le PIB non pétrolier devrait bénéficier du soutien de la dépense publique – notamment les dépenses d’investissement – et de la reprise modérée de la consommation privée. Les pressions inflationnistes pourraient légèrement progresser mais resteront modérées. Les excédents budgétaires sont élevés et alimentent des fonds souverains garants de la solvabilité à long terme de l’émirat. Dans ce contexte, le gouvernement est peu incité à mettre en place des mesures de consolidation budgétaire. Les excédents courants récurrents et élevés permettent d’assurer la stabilité du dinar.
Rebond modéré de l’activité hors pétrole L’activité économique manque singulièrement de dynamisme depuis 2017. Le poids du pétrole dans le PIB (environ 60% du PIB total) et les contraintes pesant sur la consommation intérieure en sont les principales raisons. Quelques signes de reprise du PIB non pétrolier sont présents en 2019.
En tant que membre de l’OPEP1 , le Koweït est tenu de suivre la politique de production du cartel. En 2018 la production moyenne de pétrole brut a atteint 2,74 millions de baril par jour (mb/j) en moyenne (31,8 mb/j pour l’ensemble des pays de l’OPEP). En 2019, elle devrait légèrement baisser pour atteindre en moyenne 2,71 mb/j. Après une hausse de 1,3% en 2018, le PIB pétrolier déclinerait de pratiquement 1% cette année. Lors de sa réunion de décembre dernier, le groupe OPEP+, qui regroupe les membres du cartel et d’autres producteurs dont la Russie, a décidé de réduire sa production afin de soutenir les prix en limitant le risque de surproduction au niveau mondial. A moyen terme, la production pétrolière devrait croître même si le plan de développement des capacités de production de la compagnie pétrolière nationale (KOC) paraît difficile à réaliser. En effet, celle-ci ambitionne d’accroître les capacités de production à 3,65 mb/j en 2023 par rapport à 3,15 mb/j actuellement. Par ailleurs, la capacité de raffinage pourrait augmenter de plus de 30% d’ici 2025.
Les principaux moteurs de l’activité non pétrolière sont les dépenses publiques (qui déterminent largement la consommation des ménages), les projets d’infrastructures et le secteur de l’immobilier (environ 11% du PIB non pétrolier). Après deux années de politique budgétaire restrictive en 2016 et 2017, l’activité hors pétrole a modérément rebondi en 2018 (+2,5% en termes réels). En 2019, la hausse modérée des dépenses budgétaires courantes (+2,5% en valeur) devrait continuer de soutenir la consommation privée (30% du PIB). Des projets significatifs dans les domaines des transports et de l’énergie devraient débuter en 2019. Par ailleurs, après une période de déprime, l’activité dans le secteur de l’immobilier semble être repartie à la hausse depuis mi-2018, même si cette tendance n’est pas encore fermement affirmée. Au total, la croissance réelle du PIB non pétrolier devrait atteindre 3% cette année contre 2,5% en 2018.
Sous l’hypothèse d’un léger repli du prix du pétrole, la croissance du PIB total attendrait 0,7% en 2019 et accélérerait au-delà de 2,5% en 2020 et 2021 grâce à la hausse de la production pétrolière, à la reprise modérée de l’investissement et au soutien de la consommation publique et privée.
■ Inflation contenue
L’inflation des prix à la consommation a été faible depuis 2017, en raison notamment de la déprime des prix de l’immobilier. Le poids de ce secteur dans l’indice des prix à la consommation est supérieur à 30%. En 2018, les prix ont augmenté en moyenne de 0,5% tandis que la composante immobilière de l’indice se repliait de 1,1% en moyenne. Au cours de la période récente, la hausse des prix est directement liée à la politique budgétaire. La baisse des subventions à l’énergie en 2017 a provoqué une hausse significative des coûts de transport. Le quasi ancrage du dinar koweïtien au dollar américain contraint sévèrement les moyens de la politique monétaire et l’étendue des outils disponibles pour lutter contre l’inflation.
En 2019 et 2020, l’inflation pourrait légèrement progresser (elle est attendue respectivement à 1,5% et 2%), stimulée par la reprise modérée du secteur de l’immobilier. En 2021, la hausse des prix pourrait accélérer autour de 2,5% en raison de l’introduction possible de la TVA. Une autre source d’accélération de l’inflation à moyen terme serait liée à une hausse substantielle des prix du pétrole qui stimulerait la consommation privée par l’intermédiaire de la dépense publique. Pour le moment nous n’intégrons pas cette éventualité dans nos prévisions.
■ Une situation budgétaire très confortable malgré l’absence de réforme
La dépendance des finances publiques à la rente pétrolière est élevée et devrait le rester à moyen et long terme. Les revenus pétroliers concourent pour environ 75% des revenus budgétaires totaux, tandis que les revenus issus des investissements (logés dans les fonds souverains) en représentent environ 20%. Les revenus fiscaux non pétroliers sont marginaux. Parmi les pays du Golfe, le Koweït a été le moins affecté par la baisse des prix du pétrole intervenue en 2015-2016. En raison de l’importance de la rente pétrolière par rapport aux dépenses, le prix du baril de pétrole (référence Brent) qui équilibre le budget est parmi les plus bas de la région (environ 55 USD/b). Depuis le déficit enregistré en 2015/20162 (-1,3% du PIB), les efforts de consolidation budgétaire ont été limités, notamment pour des raisons politiques. Pour l’année 2019/2020, l’excédent budgétaire atteindrait 6,1% du PIB, et 4,8% du PIB en moyenne en 2020 et 2021.
Malgré un excédent budgétaire très élevé (en moyenne de 12% du PIB entre 2013 et 2017), la dette du gouvernement est en hausse depuis 2015. Elle devrait atteindre 19% du PIB à fin 2019/2020 par rapport à 4,7% du PIB en 2015/2016. Cela est dû à la volonté du gouvernement de continuer d’accumuler des actifs publics tout en bénéficiant de taux d’intérêt favorables sur les marchés internationaux. Le gouvernement considère le solde budgétaire final une fois alloué 10% des revenus totaux au fonds souverain et ne prend pas en compte les revenus issus des investissements du fonds dans le calcul des revenus budgétaires. Ce solde budgétaire corrigé est significativement en déficit (12% du PIB en 2017/2018).
Depuis 2015, les déficits budgétaires calculés selon la définition du gouvernement ont été financés par des émissions de dettes sur le marché local et le marché international (un emprunt obligataire international a été émis en 2017 pour un montant de USD 8 mds), ainsi que par des retraits du fonds souverain. La solvabilité budgétaire est très confortable étant donné le montant des actifs du gouvernement. Ceux-ci sont gérés par le KIA et sont estimés par le FMI à USD 403 mds en 2018/2019, soit un peu plus de trois années de PIB. La KIA supervise deux fonds distincts : le fonds de réserve pour les générations futures (environ USD 346 mds d’actifs) alimenté par les transferts annuels de 10% des revenus budgétaires, et le fond de réserve (USD 57 mds d’actifs) qui collecte les excédents budgétaires éventuels.
■ Des excédents commerciaux élevés
Les revenus d’exportation sont principalement composés de recettes d’exportations pétrolières (90% du total). L’excédent commercial est récurrent et élevé (16% du PIB entre 2013 et 2017).
En 2018, l’excédent du compte courant est estimé à 12,8% du PIB. Etant donné des perspectives de prix du pétrole moins favorables qu’en 2018, l’excédent courant attendrait 6% du PIB en 2019. Les flux de capitaux sont dominés par le réinvestissement de la rente pétrolière sur les marchés financiers internationaux. L’émirat attire peu d’investissements directs étrangers étant donné le manque d’opportunités. Entre 2013 et 2017, ils équivalaient en moyenne à 0,5% du PIB.
Les réserves de change de la banque centrale ont atteint USD 37 mds en 2018, soit 7,4 mois d’importations de biens et services. Ce ratio de couverture supérieur à 6,5 mois est relativement stable, même quand la conjoncture pétrolière est moins favorable. Dans ce contexte, la liquidité en devises est très confortable et la solvabilité extérieure solide, la dette extérieure modérée (43% du PIB en 2018) étant largement compensée par le montant des actifs publics en devises.
Au total, l’économie koweïtienne reste largement dépendante de la conjoncture pétrolière et des dépenses budgétaires. La solidité des finances publiques et des comptes extérieurs résiste à un environnement pétrolier plus incertain.