Khawla Ben Aicha (Députée de Nidaa Tounes sur la conscription France I )
« Je rêve d’un conseil national des tunisiens résidents à l’étranger »
Députée à l’assemblée des Représentants du Peuple,manager en Développement International, et enseignante à l’Université de Lorraine, Khawla Ben Aicha, l’élue de Nidaa Tounes sur la conscription France I au sein de l’ARP , n’a cessé, au cours de son mandat , de redonner espoir aux jeunes, de les représenter, de regagner leur confiance, de les inciter à s’investir dans la vie politique, sociale, économique de la Tunisie. Son rêve c’est de créer un conseil national des tunisiens résidents à l’étranger.
Tout d’abord, en tant que députée élue de la circonscription France Nord, comment jugez-vous la situation de Nidaa Tounes ?
Je pense que comme tous mes collègues députés, abstraction faite de leurs circonscriptions électorales, nous sommes inquiets et mécontents de la situation au sein du parti. Nous avions essayé lors des dernières journées parlementaires de combler les brèches et donner l’exemple en arrivant à trouver des solutions consensuelles pour les différends qui existaient au sein du groupe parlementaire. Malheureusement nous n’avons pas atteint cela au sein du parti
Que pensez-vous de ce clanisme s’opérant actuellement au sein du parti ?
Je pense que c’est un phénomène tout à fait normal et naturel au sein des partis politiques. Quand il y a des conflits et des avis et visions qui divergent notamment pour la gestion des crises, il est tout à fait attendu qu’il y ait des clivages et que les gens se rassemblent autour des idées et solutions qui leur semblent être les plus justes, celles allant le plus avec leurs convictions et orientations et parfois c’est aussi une question d’intérêts .
Pensez-vous qu’il ya des lobbies autour du parti ?
Aujourd’hui ce n’est plus un secret pour personne.
Etes-vous pour la création d’un nouveau parti ?
Je pense qu’il ne faut pas avoir peur du changement et rester cohérent avec les principes et les projets auxquels on croit et auxquels nous adhérons … que nous pouvons les défendre là où que nous soyons et quelque soit la forme .Pour tout travail , il faut un cadre organisé et institutionnalisé. Pour le cas du travail politique ce sont en l’occurrence des partis politiques .Ceci reste bien évidemment une éventualité qui dépend de plusieurs facteurs et de l’évolution des négociations. Mais je tiens quand même à rappeler, qu’historiquement, la Tunisie a connu de telles situations qui ont réussi. Lorsqu’il y a eu des problèmes au sein du Parti Libéral Constitutionnel ( le Destour ) de Abdelaziz Thaalbi , plusieurs de ses jeunes adhérents qui n’étaient plus d’accord avec ses orientations ont fondé le Nouveau Parti Libéral Constitutionnel ( le Néo-Destour) et c’est ce parti là qui a obtenu l’indépendance de la Tunisie .
Avec quel groupe parlementaire parlant au nom de Nidaa Tounes va négocier Habib Essid ?
Si le groupe parlementaire de Nidaa Tounes reste uni avec ses 86 élus cela va de soi que le premier ministre va négocier avec son représentant qui est le président du groupe parlementaire.Par contre, s’il va y avoir clivage, il n’y aura plus de deux groupes parlant au nom de Nidaa Tounes, le règlement intérieur de l’assemblée interdit à un même parti politique d’avoir plus d’un groupe parlementaire , donc il s’agira de deux groupes distincts avec qui il faudra discuter indépendamment,d’autant plus qu’on parlera alors du troisième groupe parlementaire au sein de l’assemblée soutenant le gouvernement.
Quel sera le sort de l’autre clan ?
Cela dépendra de sa politique, de ses orientations et de ses alliances.
Ce qui se passe à Nidaa Tounes sert t-il le pays ?
Dans l’état actuel, la situation au sein du parti désert le pays. D’ou la nécessité d’y opérer un changement majeur.
Quelle est la position des tunisiens résidents en France de cette division ?
Les tunisiens résidents à l’étranger suivent avec inquiétude ce qui se passe au sein du parti mais aussi dans le pays. Ils continuent à croire au projet démocratique et progressiste, pour lequel ils ont voté quelqu’en soit la forme et les porteurs .
Vous rêvez d’un conseil national des tunisiens résidents à l’étranger ? Quel est sera son rôle ?
Effectivement c’est un projet attendu par les tunisiens résidents à l’étranger depuis des années déjà et surtout par les acteurs de la société civile tunisienne à l’étranger. Ce conseil sera un lien entre les tunisiens résidents à l’étranger et le gouvernement tunisien. car bien que notre ministre de tutelle est encore celui des affaires sociales, nous traitons avec tous les ministres et avons besoin d’un lien direct avec les différents représentants .Selon le projet proposé par le ministère, ce conseil aura un droit de regard ( obligatoire) sur tous les projets de lois, traités et conventions internationales concernant les tunisiens résidents à l’étranger . Il aura également la prérogative de donner des avis concernant la politique nationale concernant la prise en charge des TRE et visant à préserver leurs droits dans leurs pays de résidence, les mécanismes garantissant le renforcement des liens des TRE avec la Tunisie et la conservation de l’identité tunisienne et les moyens visant à encourager les TRE à participer activement dans le développement national. Ce conseil peut également faire des propositions aux ministres de tutelle concernant le système législatif se rapportant aux TRE et la simplification des procédures administratives et leur modernisation.
Comment jugez-vous le rendement du parlement et du gouvernement ?
Je pense qu’on doit tout d’abord tenir compte de la situation actuelle du pays, des moyens disponibles et des imprévus (notamment les attaques terroristes).Le parlement a réussi à voter plus d’une cinquantaine de lois au cours de cette première année parlementaire .. dont des lois très importantes et attendues comme celle de la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d’argent , le partenariat public privé , celle de la Cour Suprême de la Magistrature ou encore la Cour Constitutionnelle … en dépit des faibles moyens et des problèmes d’organisation au sein de l’assemblée .. Ceci dit l’assemblée n’a pas exercé pleinement son rôle notamment en terme d’initiatives législatives et de contrôle du gouvernement… Nous espérons que ces lacunes seront dépassées et que la travail de l’assemblée sera plus efficient. Pour ce qui est du gouvernement, je pense que son rendement est en deçà des attentes … que ça manquait beaucoup de fermeté et d’initiatives courageuses, les réformes tardent à venir surtout celles qui touchent directement au quotidien du citoyen.
Etes-vous pour le remaniement ministériel ? Doit-il toucher tous les ministères ?
Je pense qu’il n’y a pas et qu’il ne doit pas y avoir de soutien inconditionnel au gouvernement qu’on doit avoir à son égard une critique constructive. et si certains ministres ont failli à leur mission, il faudrait les remplacer. L’intérêt du pays et des citoyens doit primer …Nous n’avons plus le droit à l’erreur.
Il y a certes encore des progrès à faire et des choses à améliorer ? N’est-ce pas ?
Bien évidemment … Tout est à construire et à revoir aujourd’hui pour répondre aux attentes et aux exigences de cette nouvelle étape qu’est d’édification de la seconde république. Il faudrait réformer les administrations et les moderniser , appliquer les lois et la consécration des libertés individuelles et leur respect, améliorer le modèle économique, outre l’ouverture sur de nouveaux marchés, la valorisation de la formation professionnelle , la réforme du système éducatif, la réforme fiscale et celle du code des investissements, la valorisation de notre patrimoine culturel … Mais encore , renouer le dialogue et redonner confiance et espoir aux jeunes tunisiens .. .. les inciter à intégrer la vie politique, associative et économique , les considérer comme parti prenant dans la prise de décision et une force de proposition et non comme une statistique car c’est leur avenir que nous construisons
Kamel Bouaouina