La Banque d’Angleterre (BoE) a de nouveau relevé son principal taux d’intérêt jeudi, à 0,5%, et quatre des neuf membres de son Comité de politique monétaire (MPC) se sont prononcés pour une hausse plus marquée encore, à 0,75%, afin de lutter contre une inflation qui pourrait dépasser 7% au printemps selon ses nouvelles prévisions.
Cette divergence au sein du MPC est une surprise puisque la majorité des économistes et analystes interrogés par Reuters tablaient sur un vote unanime en faveur d’une hausse de taux d’un quart de point.
Un relèvement du « bank rate » à 0,75% aurait marqué le relèvement le plus important décidé par la BoE depuis son indépendance opérationnelle il y a 25 ans.
Le gouverneur de l’institution, Andrew Bailey, a déclaré lors d’une conférence de presse que les investisseurs ne devaient pas conclure de la décision de jeudi que la BoE s’engageait dans une longue série de hausses de taux, expliquant qu’elle devrait arbitrer entre l’accélération de l’inflation et le ralentissement de la croissance, de nombreux foyers voyant leur pouvoir d’achat diminuer.
« Le MPC juge que si la situation économique évolue de manière globalement conforme au scénario central de février, un resserrement supplémentaire modeste pourrait être approprié dans les mois à venir », a-t-il dit.
« Mais ce serait une erreur d’extrapoler de manière simpliste sur la base de ce que nous avons fait aujourd’hui et de supposer que les taux sont désormais inévitablement engagés dans une longue ascension. »
La banque centrale avait déjà relevé son taux directeur en décembre, le premier durcissement de politique monétaire opéré par l’une des principales banques centrales du monde depuis l’éclatement de la crise du COVID-19 début 2020. Elle n’avait pas annoncé deux hausses de taux coup sur coup depuis 2004.
Peu après la publication du communiqué, les marchés à terme anticipaient un taux directeur à 1,5% en fin d’année.
Pour Suren Thiru, directeur économique des Chambres de commerce britanniques, les décisions de la BoE et le fait que quatre membres du MPC aient voté pour une hausse de taux d’un demi-point devraient conduire beaucoup d’observateurs à conclure que la banque centrale opère « un saut vers une période durable de resserrement monétaire important ».
L’INFLATION DÉSORMAIS ATTENDUE AUTOUR DE 7,25% EN AVRIL
La BoE explique jeudi que la hausse des prix à la consommation, qui a atteint 5,4% sur un an en décembre, son rythme le plus rapide en près de 30 ans, devrait culminer autour de 7,25% en avril, un niveau inédit depuis la récession du début des années 1990. En décembre, elle tablait sur un pic proche de 6%.
L’Ofgem, l’autorité nationale de régulation du marché de l’énergie, a annoncé jeudi matin que les tarifs administrés augmenteraient de 54% à partir d’avril, une hausse sans précédent due entre autres à l’envolée des cours mondiaux du gaz.
« Au vu des tensions actuelles sur le marché du travail et des signes permanents d’une persistance accrue de pressions sur les coûts et les prix, tous les membres du Comité ont jugé qu’une hausse du taux directeur était justifiée lors de cette réunion », déclare le MPC dans un communiqué.
La banque centrale prévoit aussi d’engager en mars un processus de « resserrement quantitatif », à savoir la réduction de son portefeuille d’obligations d’Etat, gonflé par des années d’achats sur les marchés visant à faire baisser le coût du crédit.
Ce processus passera dans un premier temps par l’arrêt du réinvestissement des capitaux générés par les obligations arrivant à échéance, soit 27,9 milliards de livres sterling pour le mois de mars.
La BoE prévoit aussi de céder d’ici fin 2023 la totalité des obligations d’entreprise qu’elle détient.
Sur les marchés, le rendement des « gilts », les obligations d’Etat britanniques, à dix ans était en hausse de plus de huit points de base à 1,34% vers 13h15 GMT après avoir atteint son plus haut niveau depuis trois ans à 1,381%.
La livre sterling était alors revenue à l’équilibre face au dollar après une brève période de hausse et l’indice FTSE 100 de la Bourse de Londres perdait 0,22%.