Face à une conjoncture internationale marquée par des distorsions commerciales et des coûts énergétiques élevés, l’Union européenne (UE) a annoncé des mesures significatives pour protéger son industrie sidérurgique. Stéphane Séjourné, vice-président exécutif de la Commission européenne, a révélé que l’UE prévoit de réduire de 15 % ses importations d’acier à partir d’avril. Cette décision intervient dans un contexte où les producteurs européens sont confrontés à une concurrence accrue, notamment en provenance d’Asie, et craignent que l’UE ne devienne un déversoir pour l’acier bon marché détourné du marché américain.
Les droits de douane américains, un facteur de déséquilibre
Depuis plusieurs années, les États-Unis appliquent des droits de douane de 25 % sur l’acier importé, ce qui a incité certains pays producteurs, comme le Canada, l’Inde et la Chine, à réorienter leurs exportations vers l’Europe. Cette situation a créé un déséquilibre sur le marché européen, fragilisant davantage les sidérurgistes locaux.
Une réponse stratégique aux enjeux géopolitiques
Stéphane Séjourné a souligné la nécessité pour l’Europe de défendre son industrie face aux pratiques commerciales agressives. « Dans un moment où plus personne ne respecte les règles de l’OMC, où tout le monde invoque éventuellement la sécurité nationale, l’Europe ne peut pas être le seul continent qui laisse tomber son industrie », a-t-il déclaré. Cette prise de position reflète une volonté de renforcer la souveraineté industrielle européenne dans un contexte géopolitique tendu.
Des mesures concrètes pour soutenir le secteur
La Commission européenne a élaboré un plan d’action pour l’acier et les métaux, qui prévoit une série de mesures commerciales. Parmi celles-ci, la réduction des quotas d’importation dès le 1er avril est une étape cruciale. Actuellement, les importations dans le cadre de ces quotas sont exemptées de droits de douane, mais toute importation supplémentaire est soumise à un tarif de 25 %.
Évolution des quotas et nouvelles restrictions
Depuis juillet 2019, les quotas d’importation ont augmenté de plus de 25 %, conformément aux règles de l’OMC. En 2024, l’UE a importé environ 60 millions de tonnes d’acier, dont 30 millions étaient exemptées de droits de douane. La Commission prévoit également d’introduire de nouvelles mesures au troisième trimestre pour remplacer les garanties renforcées, qui ne peuvent être prolongées au-delà du 30 juin 2026. Le futur mécanisme de protection sera « beaucoup plus strict », selon Stéphane Séjourné.
Sécurité d’approvisionnement et enjeux stratégiques
La dépendance aux importations d’acier représente un risque stratégique pour l’Europe, notamment pour son industrie de défense. « Évitons que l’acier demain soit le gaz d’hier », a averti Stéphane Séjourné, faisant référence à la crise énergétique liée à la dépendance au gaz russe. L’UE souhaite ainsi préserver ses capacités de production pour garantir l’approvisionnement futur du complexe militaro-industriel européen, en particulier dans le cadre de la reconstruction de l’Ukraine.
Favoriser l’acier européen et lutter contre les pratiques déloyales
D’autres mesures sont envisagées, telles que la modification des règles des marchés publics en 2026 pour privilégier l’acier européen et l’introduction d’une règle « fondu et coulé » pour empêcher les importateurs de modifier artificiellement l’origine de leur acier. Un programme pilote avec la Banque européenne d’investissement (BEI) sera également lancé pour garantir des contrats d’électricité à long terme aux producteurs.
L’acier, un pilier de l’économie européenne
« Il n’y a pas d’industrie de la défense sans acier, pas d’automobile sans acier, et nous souhaitons conserver notre capacité de production en Europe », a rappelé Stéphane Séjourné. Avec ces mesures, l’UE entend renforcer sa souveraineté industrielle et protéger son industrie sidérurgique face aux défis du commerce international.