La Banque centrale européenne (BCE) a laissé sa politique monétaire inchangée jeudi et confirmé son intention de réduire progressivement son soutien à l’économie, l’inquiétude suscitée par l’inflation ayant pris le pas sur le risque de récession lié à la guerre en Ukraine.
Elle prévoit ainsi de réduire ses achats d’obligations sur les marchés à 30 milliards d’euros en mai et 20 milliards en juin contre 40 milliards actuellement, puis de les arrêter dans le courant du troisième trimestre.
Ses taux d’intérêt devraient commencer à remonter « quelque temps » après la fin des achats d’obligations, et cette remontée sera « progressive », ajoute-t-elle dans un communiqué.
Le Conseil des gouverneurs réuni jeudi a considéré que « les informations disponibles depuis sa dernière réunion renforcent son anticipation selon laquelle les achats nets d’actifs au titre de l’APP devraient prendre fin au troisième trimestre », explique-t-elle.
Les volumes d’achats d’obligations du troisième trimestre seront déterminés ultérieurement.
La BCE reste ainsi l’une des banques centrales les plus prudentes du monde puisque plusieurs d’entre elles, dont la Réserve fédérale américaine et la Banque d’Angleterre, ont déjà entamé la remontée des taux ces derniers mois pour tenter de juguler l’envolée des prix.
Ces deux derniers jours, la Banque du Canada, la Banque de réserve de Nouvelle-Zélande et la banque centrale sud-coréenne ont relevé leur principal taux directeur, d’un demi-point de pourcentage dans le cas des deux premières et d’un quart pour la troisième.
La Fed américaine, elle, devrait relever ses taux à huit reprises au moins au cours des deux prochaines années selon les prévisions de ses dirigeants.
« Toute modification des taux d’intérêt directeurs de la BCE se produira quelque temps après la fin des achats nets du Conseil des gouverneurs au titre de l’APP et sera progressive », dit le Conseil des gouverneurs dans son communiqué.
La présidente de l’institution, Christine Lagarde, doit commenter ces décisions lors d’une conférence de presse à partir de 12h30 GMT.
UN ENJEU DE CRÉDIBILITÉ POUR LA BCE
La BCE a racheté pour près de 5.000 milliards d’euros de dette publique et privée depuis 2014 dans le cadre de sa stratégie d' »assouplissement quantitatif » visant à soutenir le crédit mais aussi à relancer l’inflation, qui a très longtemps été inférieure à son objectif de 2% par an.
Mais la donne a changé ces derniers mois puisque l’envolée des prix de l’énergie et de nombreuses matières premières a porté l’inflation dans la zone euro à 7,5%, un niveau sans précédent dans l’histoire de la monnaie unique.
La BCE a mis du temps à admettre que cette poussée inflationniste n’était pas simplement temporaire mais elle doit désormais répondre aux craintes d’un ancrage prolongé de l’inflation, exprimées y compris par certains membres du Conseil.
Le taux d’inflation « à cinq ans dans cinq ans », baromètre très surveillé des anticipations des investisseurs en matière d’évolution des prix à long terme, dépasse désormais nettement l’objectif de 2% de la BCE, ce qui traduit des doutes sur la crédibilité et l’efficacité de sa stratégie.
Les marchés anticipent parallèlement un relèvement de 70 points de base du taux de dépôt de la banque centrale, actuellement fixé à -0,5%, d’ici la fin de l’année, alors même qu’aucun des 25 membres du Conseil n’a jamais plaidé pour un resserrement aussi rapide.
Sur les marchés, le rendement du Bund allemand à dix ans s’est orienté à la baisse après la publication du communiqué de politique monétaire, revenant à 0,761% contre 0,809% quelques minutes avant.
Sur le marché des changes, l’euro se dépréciait face au dollar à 1,0871 (-0,13%) tandis que l’indice boursier EuroStoxx 50 gagnait 0,5%.