Lorsque la crise du Covid-19 a frappé l’Europe, les entreprises se sont tournées vers une banque en particulier pour obtenir des prêts en urgence : BNP Paribas.
La banque française a profité des restructurations en cours chez des concurrents européens à un moment où les banques américaines se concentraient sur leur marché domestique. Elle a augmenté son bilan de 23% à près de 2.700 milliards d’euros au premier trimestre, distribuant des lignes de crédit de plusieurs milliards à des entreprises telles que le géant pétrolier BP ou le constructeur automobile Daimler.
A titre de comparaison, ses rivales Santander, Deutsche Bank et Credit Suisse ont à peine augmenté leur bilan de 5%.
BNP, premier prêteur de la zone euro, ambitionne depuis longtemps de devenir la banque d’investissement dominante en Europe et compte mettre à profit son activisme sur les prêts pendant la crise pour atteindre cet objectif, selon plusieurs banquiers et une source proche de la direction de l’établissement.
La banque française, qui publie ses résultats le 31 juillet, n’a pas souhaité faire de commentaire.
“Est-ce que BNP peut mettre à profit la qualité et la résilience de ses bénéfices pour accroître sa part de marché (en Europe) ? Je pense que la réponse est oui”, estime François Chaulet, directeur général de Montségur Finance, dont les fonds investissent dans BNP.
Capitaliser sur la hausse des prêts pour engranger des mandats à plus forte marge auprès des clients auxquels elle a prêté se révèle toutefois ardu pour la banque.
Alors que ses actifs pondérés du risque ont progressé de 5,5% entre 2015 et 2019 et que les revenus ont augmenté de 3,9%, la rentabilité sur les fonds propres tangibles est restée stable, autour de 10%.
À LA TRAÎNE EN M&A
Au premier semestre 2020, BNP est arrivée derrière Goldman Sachs, Deutsche Bank, Barclays et Credit Suisse en termes de mandats pour des fusions-acquisitions, restant à l’écart du top 10 des principaux conseils. La banque se classe neuvième sur les opérations en capital, inchangé par rapport à l’an dernier.
“Ce n’est pas parce que vous avez prêté beaucoup d’argent que vous pouvez exécuter pour un grand client corporate européen tout ce que le client souhaite faire. Il faut des compétences spécifiques et l’argent ne fait pas tout”, explique un grand banquier parisien travaillant pour une banque internationale.
“La concurrence américaine est très dure. Ils (BNP) savent qu’ils ont le bilan, mais c’est dur”, ajoute-t-il, pointant en particulier la concurrence pour attirer les talents.
Pour l’instant, augmenter la cadence sur les prêts permet à BNP de prendre ses distances avec son image de banque purement française.
La banque a ainsi été le seul garant d’une ligne de crédit de dix milliards de dollars pour le britannique BP début avril – ce qui est rare pour une ligne d’un tel montant, en particulier dans un secteur comme l’énergie actuellement fragilisé. Le prêt a ensuite été syndiqué auprès de 20 banques.
“J’ai toujours entendu les dirigeants de BNP (…) dire : mon premier client, c’est l’économie française”, explique une personne qui a travaillé aux côtés des dirigeants de la banque. “Plus récemment, ils disaient ‘mon premier client, c’est l’économie européenne”.
FRICTIONS EN FRANCE
Alors qu’elle était en quête de nouveaux clients à l’international, BNP – longtemps le premier interlocuteur de l’establishment français – s’est montrée dure en affaires à l’occasion de plusieurs sauvetages d’entreprises sur son marché historique, d’après six sources au fait des discussions.
Elle a notamment réclamé des conditions plus exigeantes pour le prêt garanti par l’Etat de 4 milliards d’euros accordé à Air France-KLM, en obtenant notamment un relèvement de la garantie de l’Etat après des discussions tendues, ont dit les sources.
“BNP Paribas a été particulièrement difficile”, explique un avocat qui a participé aux négociations.
Bercy n’a pas souhaité faire de commentaire tandis qu’Air France n’était pas joignable dans l’immédiat.
Cette fermeté s’explique par une gestion prudente du risque.
Selon deux sources issues de banques d’affaires, elle traduit également la volonté de BNP de disposer de suffisamment de ressources pour poursuivre sa croissance à l’international sans céder à des pressions locales pour renflouer un trop grand nombre de sociétés.
“L’enjeu c’est plutôt où BNP veut allouer son capital”, explique l’une des sources, impliquée dans le sauvetage d’Air France.
BNP a toutefois accordé des prêts pour un montant conséquent en France. La banque a dit ce mois-ci avoir reçu pour 17 milliards d’euros de demandes de prêts garantis par l’Etat et sa part de marché dans les PGE, hors prêts accordés aux grandes entreprises, ressort à 13%, au-dessus de sa moyenne habituelle de 10%.
Des banquiers travaillant pour des établissements concurrents estiment que BNP pourrait en récolter les fruits, en décrochant des mandats pour aider les entreprises ayant bénéficié de PGE à se restructurer ou renforcer leurs fonds propres.
A mesure que les plans de soutien publics commenceront à s’arrêter, le risque que des prêts dans ses comptes ne soient pas remboursés pourrait cependant augmenter.
“Le bilan de BNP ne cesse d’enfler”, écrivaient les analystes de Société Générale en juin. “BNP est plus sensible que la plupart des autres à une évolution de la qualité du crédit”.