Alors que l’année 2024 s’achève, un paradoxe majeur interpelle les observateurs économiques : une incertitude et une fragmentation mondiale croissantes contrastent avec la résilience, voire la progression, des marchés boursiers mondiaux, à quelques exceptions près. Cette dynamique complexe nécessite une analyse approfondie des moteurs économiques actuels et des perspectives pour l’année 2025. Michala Marcussen, Chef Économiste du Groupe, nous éclaire sur cette situation.
L’Héritage Trump et les incertitudes persistantes
Plusieurs facteurs contribuent à l’incertitude ambiante. L’un des principaux concerne la gestion par la nouvelle administration Trump des nombreux défis nationaux et internationaux. Pour l’instant, les marchés semblent accorder le bénéfice du doute à cette administration, anticipant des politiques favorables aux entreprises, telles que des réductions d’impôts et une déréglementation, tout en espérant une application modérée des mesures protectionnistes annoncées (tarifs douaniers, restrictions sur l’immigration).
Il est important de souligner le rôle crucial de la forte augmentation de l’immigration aux États-Unis ces dernières années dans la performance économique du pays. Cette immigration a soutenu la consommation en stimulant la demande et a augmenté la main-d’œuvre disponible, limitant ainsi les risques de spirales salaires-prix du côté de l’offre.
Cependant, le contexte actuel diffère significativement de celui de la première administration Trump. Les taux d’intérêt sont plus élevés, la dette publique a augmenté et l’inflation demeure une préoccupation majeure pour la Réserve fédérale (Fed). De plus, les droits de douane sur les produits chinois atteignent désormais 20 %, contre seulement 3 % lors de l’arrivée au pouvoir de Trump. En tenant compte d’un monde plus fragmenté et de risques climatiques accrus, il est évident que la marge de manœuvre économique de l’administration américaine est considérablement réduite.
Les marchés actions et les facteurs de soutien en 2024
Malgré ces risques importants, plusieurs facteurs expliquent le soutien dont bénéficient les marchés actions en 2024. Parmi ceux-ci, les baisses de taux d’intérêt des grandes banques centrales jouent un rôle primordial. Les investisseurs anticipent la poursuite de cette tendance en 2025, ce qui renforce la confiance dans les marchés financiers.
La situation particulière de la France : Entre tensions et défis
La France constitue une exception notable parmi les marchés actions. Les incertitudes politiques et économiques pèsent lourdement sur l’économie réelle et sur le CAC40. La reconstruction des finances publiques représente un défi majeur à court terme, bien que les bénéfices à long terme soient potentiellement significatifs. Actuellement, les rendements obligataires français à long terme égalent ceux de l’Espagne et se rapprochent de ceux de la Grèce. L’absence d’une trajectoire crédible et durable des finances publiques pourrait entraîner un élargissement continu des écarts de rendement (spreads), qui pourraient atteindre les niveaux observés en Italie.
Cette hausse des spreads a pour conséquence un resserrement des conditions de crédit, ce qui freine l’investissement des entreprises, l’emploi et le marché immobilier. Le consensus prévoit désormais une croissance du PIB français inférieure à 1 % en 2025, contre une prévision de 1,3 % cet été, illustrant l’impact des incertitudes sur les perspectives économiques.
L’Europe à la croisée des chemins : Un appel à l’action
À l’échelle européenne, les rapports Letta et Draghi mettent en avant des solutions pour améliorer la compétitivité de la région. Bien que l’Europe regorge d’idées innovantes, leur mise en œuvre représente un défi majeur. De nombreuses entreprises prometteuses choisissent de quitter l’Europe pour saisir des opportunités de croissance ailleurs, soulignant l’urgence de créer un environnement plus favorable à l’épanouissement économique au sein de l’Union.
Malgré des progrès récents jugés insuffisants, l’espoir demeure qu’un ordre mondial en mutation puisse inciter l’Europe à exploiter pleinement son potentiel. Cela permettrait non seulement de stimuler la croissance économique, mais aussi de préserver ses modèles de protection sociale uniques. Les prochaines années seront cruciales pour l’émergence d’une Europe plus compétitive et résiliente face aux défis mondiaux.