Les responsables de la Banque centrale européenne (BCE) envisageront jeudi, lors de leur réunion de politique monétaire, de relever les taux d’intérêt de l’institution de 50 points de base pour freiner une inflation galopante, ont déclaré à Reuters deux sources directement informées des discussions.
Soucieux d’éviter une envolée des coûts de financement des pays dits périphériques à la zone euro et un creusement des écarts de rendements (« spreads ») entre ces pays et ceux jugés plus sûrs, les responsables de la BCE travaillent également à un accord visant à leur venir en aide sur les marchés obligataires s’ils respectent les règles de la Commission européenne en matière de réformes et de discipline budgétaire.
La BCE doit procéder jeudi à sa première hausse des taux d’intérêt depuis plus d’une décennie dans un contexte difficile marqué par la guerre en Ukraine, une inflation élevée, un ralentissement de la croissance économique et une crise politique en Italie.
Elle doit donc trouver le juste équilibre entre le renchérissement du coût du crédit pour calmer la flambée des prix, tout en n’aggravant pas la situation des Etats membres les plus endettés, et le risque d’un plongeon de l’économie en récession.
Selon les sources, qui se sont exprimées sous couvert d’anonymat en raison du caractère privé des discussions, le choix d’une hausse des taux de 25 ou de 50 points de base est encore grandement ouvert, alors que la BCE avait indiqué en juin vouloir relever ses taux de seulement un quart de point en juillet.
Plusieurs banques centrales, à l’image récemment de celle du Canada, ont déjà pris le parti d’augmenter leur taux directeur de 100 points de base. La Réserve fédérale américaine (Fed) pourrait relever la semaine prochaine ses taux de trois quart de point après une hausse de 150 points de base depuis mars.
Le risque accru de récession dans la zone euro, au regard d’une possible rupture des approvisionnements en gaz de Russie, incite cependant certains responsables de la BCE à plus de prudence dans le rythme de la hausse du coût du crédit.
Sollicité, un porte-parole de la BCE n’a pas souhaité s’exprimer, se réfugiant derrière le devoir de réserve de l’institution à l’approche de la publication de son communiqué de politique monétaire.
L’euro, qui est monté mardi à un sommet de presque deux semaines, prenait 1,21% à 1,0264 dollar vers 11h15 GMT, tandis que le rendement du Bund allemand à deux ans, référence pour la zone euro, grimpait de huit points de base à 0,599% après avoir touché en séance 0,63%.
Si depuis juin la BCE a évoqué une hausse graduelle de ses taux, sa présidente, Christine Lagarde, a par la suite noté qu’il y avait « clairement des conditions dans lesquelles le caractère graduel ne serait pas approprié ».
Les chiffres définitifs publiés mardi par Eurostat montrent que l’inflation dans la zone euro a atteint en juin son plus haut niveau historique (+8,6% sur un an), alors que les pressions sur les prix ont continué à se propager à différents secteurs.
La Commission européenne (CE) prévoit que l’inflation en zone euro ne retombera qu’à 4,0% l’an prochain, bien loin de l’objectif de 2% de la BCE, ce qui accroît le risque que la flambée des prix alimente celle des salaires, déclenchant une spirale difficile à maîtriser.
AIDE SOUS CONDITIONS
Les responsables de la BCE annonceront également jeudi un nouveau programme d’achat d’obligations, visant à plafonner les coûts d’emprunt des Etats membres lorsqu’ils sont jugés en décalage avec la réalité économique, comme ce fut le cas début juin en Grèce, en Italie, en Espagne et au Portugal, selon les sources.
Cette mesure de soutien revêt désormais une importance capitale pour la zone euro, l’Italie étant plongée dans l’incertitude politique depuis la démission de Mario Draghi alors que le président du Conseil doit s’adresser mercredi au Parlement.
La BCE devrait toutefois conditionner son aide au respect par les Etats membres, qui en bénéficieront, des objectifs fixés par la Commission européenne en matière d’accès aux fonds de la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR) de l’Union européenne, ont indiqué les sources.
Elles ont ajouté que les Etats membres devront également respecter les contraintes budgétaires du Pacte de stabilité et de croissance lorsqu’ils se seront redressés l’an prochain après une pause liée à la pandémie de COVID-19.
Certains responsables de la BCE souhaitaient également avoir recours au Mécanisme européen de stabilité (MES), le fonds de sauvetage de la zone euro créé à la suite de la crise de la dette il y a dix ans, mais cette option a peu de chance d’être retenue, ont indiqué les sources.
La décision définitive concernant la date des achats d’obligations sera prise par le Conseil des gouverneurs de la BCE, ont précisé les sources.
La BCE a accéléré les préparatifs de son outil anti-fragmentation à la mi-juin après une flambée soudaine des rendements sur les marchés obligataires et des primes acquittées par les pays dits périphériques, les investisseurs prenant note de la fin des achats d’actifs de l’institution et du début de son cycle de hausse des taux.